Page:Jacob - Souvenirs d’un révolté.djvu/75

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— Je m’aperçois que vous avez une grande confiance dans l’existence de votre société. Je vous avoue que je suis loin de partager vos vues. Selon moi, non seulement le communisme est réalisable, mais encore son avènement est inéluctable. Vous avez beau réglementer ceci, décréter cela, empoisonner les uns, couper la tête aux autres, opposer toutes sortes d’obstacles à la marche des idées nouvelles, vous ne les empêcherez ni de germer, ni de se manifester. On ne peut pas plus entraver la marche du progrès qu’il ne serait possible d’arrêter la rotation de la terre ou de paralyser la gravitation des astres.

— Or ce qui est vrai pour l’évolution des choses ne l’est pas moins pour l’évolution des idées. Loin d’offrir la sécurité que vous lui prêtez, votre société est chancelante, agonisante. Elle ne saurait résister au premier choc. Vous ressemblez à ces aéronautes qui prêts à sombrer en pleine mer lâchent de temps en temps quelques sacs de lest. Votre lest à vous, bourgeois, ce sont les fallacieuses promesses que vous débitez à vos victimes : réformes, projets de loi, améliorations de ci, amélioration de là. Mais tout lasse, même les promesses ; tout arrive, même les révolutions. Le peuple s’instruit tout les jours ; un moment viendra où fatigué d’être trompé, dupé, volé, il voudra gérer ses affaires lui même, et vous dira comme la chanson :

Mais mon colon je crois que t’es de Marseille il ne faut plus nous la faire à l’oseille.

— Ce jour-là est-il proche, est-il loin ? Je ne sais, et ne m’en soucie guère : j’ai fait ma révolution. Mais quoi que vous fassiez pour retarder son avènement, vous ne sauriez y résister. Votre société est condamnée à mort. Les vices sont ses propres bourreaux.

— Ainsi en cambriolant, vous prétendez faire œuvre de révolutionnaire ? Me demanda Me Ternois.

— Parfaitement.

Il réfléchit quelques secondes, puis :

— Au fait, d’après vos théories cela se peut soutenir, reprit-il en souriant. Mais il n’en est pas de même autre part où je vous trouve en contradiction flagrante avec ce que vous avez dit il y a quelques instants – vous savez, je les connais un peu ces théories…

— À quel sujet ? Dites…

— Vous êtes cambrioleur et en cambriolant vous vous révoltez, fort bien. Mais oubliez-vous qu’un cambrioleur ne travaille pas, et que, par conséquence logique, c’