Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/153

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Le prêtre se contente d’endiguer le courant, car il sait que défendre l’amour physique à ces créatures ardentes serait peine perdue.

Le samedi soir est un jour d’absolution pour la messe du dimanche. C’est le jour choisi pour mystifier les nouveaux venus. On les envoie chercher bonne fortune sur la Place des Palmistes. À la demande sacramentelle, une, deux, trois, cinq, vingt femmes répondent : « Mon ché, mo pas pouvé, mo gain asolution mon pè guyodo » (le curé), « mais dimain, fini la messe, mo que vini ton case. » Bonnes natures ! après avoir rempli leur devoir envers leur Créateur, elles veulent le rendre à la créature. Enfin, on finit par en rencontrer une qui accepte la proposition. On ne peut s’empêcher alors de lui demander : « To, pas gaini asolution, alo ? » — No, » répond-elle toute triste, « pè qu’a pas voulu baillé mo. »

La Reine des Poignets dorés ; Milady. — J’ai dit que la femme de couleur conserve une fidélité relative. Lorsque la personne qui la recherche flatte sa vanité ou ses intérêts, elle n’hésite pas à donner un coup de canif dans le contrat, si elle croit que le secret lui en sera bien gardé.

Le plus sûr moyen de l’obtenir n’est pas de courir ostensiblement après elle et de l’afficher : on y arrive plus aisément par l’aide d’une entremetteuse. La plus intelligente et la plus achalandée de tout Cayenne était la fameuse Mulâtresse C***, dite Milady, qui tenait par la main gauche à une des meilleures familles du pays. Elle était la Reine des Poignets Dorés, faction des filles de couleur, rivale des Impériales. Les luttes de ces deux factions rappelaient en petit les luttes des cochers verts et bleus de l’antique Byzance, mais ces compétitions, plus pacifiques, n’ont jamais fait couler le sang. C’est dans les danses que ces dames luttaient de grâce et de brio. Ces