Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/152

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la Négresse jusqu’à la Misti, presque Blanche. Prenons-les toutes successivement l’une après l’autre.

La Négresse bon teint. — Voyons d’abord celle-ci, qui forme la grande masse de la population féminine, ainsi que la Capresse, produit de la Négresse avec le Mulâtre. Pour lui plaire et devenir son amant, les procédés ne sont ni longs ni compliqués. Il suffit (du moins c’était ainsi il y a vingt ans) de se promener sur la Place des Palmistes après le repas du soir. On se rencontre, on fait un brin de causette, et après quelques phrases banales, si le visage entrevu à la rapide lueur d’une allumette vous plaît, on lance la phrase sacramentelle : « Ché doudou, ou qua oulè coqué avé mo ? » Le mot coqué est la corruption du vieux Français cocher, c’est-à-dire exprime l’action du coq qui grimpe sur la poule. Vous n’avez qu’à suivre la donzelle dans une chambre d’une maison voisine. Au besoin, les bancs de la Place des Palmistes vous prêteront leur hospitalité gratuite.

La nuit du samedi au dimanche. — Cette facilité de la Négresse ou Capresse permet de jouer un tour assez plaisant aux nouveaux débarqués, peu au courant des mœurs. Ici nous entrons en plein dans l’influence de la religion sur les mœurs. Je dois reconnaître qu’à la Guyane l’autorité du prêtre est prépondérante. La classe de couleur a des sentiments de réelle piété, même les hommes. Les enfants, élevés par les Frères, sont croyants, tout au rebours de nos jeunes ouvriers de France. La Négresse a une foi naïve et sincère. Seulement, elle est dévote à sa manière. Elle se confesse, communie presque chaque dimanche, et, dans la semaine, transgresse avec la plus aimable facilité le précepte du Décalogue :

Œuvre de chair désireras
En mariage seulement.