Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/186

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avait à juger un vol commis par un libéré. Cet homme, nommé R***, très intelligent, faisait le commerce des bœufs, et gagnait pas mal d’argent, ce qui excitait un peu la jalousie des gens du pays. Un taureau noir et blanc, de race Sénégalaise, appartenant à un vieux Créole, avait disparu, et on accusait R*** de l’avoir d’abord volé, puis tué et vendu comme bœuf sur le marché de Cayenne.

On avait bien trouvé, en faisant des perquisitions dans le parc à bestiaux de R***, une peau noire et blanche ; mais il se défendait avec énergie, donnant comme preuve qu’il avait depuis longtemps un bœuf de cette couleur ; que si, malheureusement pour lui, ce bœuf avait été vendu, il pouvait du moins prouver, par le certificat du vétérinaire du Gouvernement, que c’était bel et bien un bœuf et non un taureau qui avait été vendu. Il ajoutait que son bœuf lui ayant échappé quelques jours auparavant, il avait demandé l’autorisation de le faire poursuivre et tuer à coups de fusil, par un de ses employés. Les témoins, coolies Hindous du Créole, avaient bien vu abattre l’animal et avaient assisté à son dépeçage, mais de loin, par dessus la palissade de l’enclos du parc à bestiaux, et à vingt pas au moins de l’animal, le sieur R*** les ayant empêché d’entrer dans son parc. Celui-ci, soutenu par ses employés, jurait que l’animal était un bœuf. Les coolies, non moins unanimement, déposaient que c’était le taureau de leur patron. Le débat s’éternisait et les Juges étaient perplexes, quand le Président posa alors aux témoins les questions suivantes : « Il est facile de reconnaître un taureau d’un bœuf. Le premier a des testicules, le second n’en a pas. Les avez-vous pris et palpés dans la main, oui ou non ? Non, n’est-ce pas ? Alors, comment avez-vous pu voir, à vingt pas, si les bourses de l’animal contenaient ou non des ϰουιλλες ? »