Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/193

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nique est plus robuste et plus large d’épaules, mais son visage est plus inquiet. Autant le Guyanais est paisible, soumis, tranquille, fuyant les querelles, autant le Martiniquais, quoique tout aussi paresseux quant au travail manuel, est bruyant, insolent et orgueilleux. Dans la rue, il ne vous cédera pas le pavé, à moins qu’il ne vous connaisse et qu’il n’ait besoin de vos services. Les rixes entre militaires et Noirs, très rares à la Guyane, sont au contraire très communes à la Martinique, et le sang coule souvent. De mémoire d’homme, je ne crois pas qu’un Noir de Cayenne ait jamais incendié une maison de propos délibéré. La torche est, au contraire, l’arme du Noir Martiniquais ; elle remplace pour lui la marmite de dynamite de l’anarchiste. Pendant la guerre de 1870-71, il y eut des insurrections et des incendies à la Martinique, et les Noirs incendiaires criaient : « Vive la Prusse ! » On attribue à la malveillance le terrible incendie qui vient de détruire tout récemment Fort-de-France.

Caractères moraux de la Martiniquaise. — On trouve, chez la Négresse de la Martinique, un caractère analogue à celui de son mâle. Elle est plus vive, plus laborieuse que la Guyanaise, qui est une gnan-gnan molle, bonne mère de famille, mais trop peu délurée. La Martiniquaise a beaucoup d’aptitude pour le commerce et fait argent de tout. Elle travaille comme un homme, ce que ne fait pas la Guyanaise. Le charbon des grands bateaux des Transatlantiques est chargé par des centaines de femmes, qui au son d’un tam-tam enragé, et en chantant à tue-tête, viennent verser leur couffin de charbon dans les soutes du bâtiment.

La Martiniquaise n’a plus la foi vive et naïve de la Guyanaise. La Martinique est trop lieu de passage pour que sa population noire ait pu résister au frottement d’une civilisation peu dévote. Mais elle est aussi plus dange-