Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/217

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nos pères avant 1789. Par une singularité qui rappelle les castes de l’Inde, on ne peut s’allier qu’entre gens du même métier, et ce métier est héréditaire : un fils de forgeron restera toute sa vie forgeron, lors même qu’il ne forgerait pas. Je ferai remarquer, en passant, qu’une seule profession en comprend quelquefois bon nombre d’autres. Ainsi le forgeron est à la fois serrurier, armurier, potier, et menuisier à ses heures. Il est même orfèvre-bijoutier, et ses bijoux ne manquent pas d’une certaine élégance barbare. Il cumule encore avec l’emploi de chirurgien-sorcier, et c’est lui qui circoncit les petits garçons. Le métier de tisserand est généralement exercé par des captifs.

Le griot. — Au même niveau social que le forgeron, chirurgien, sorcier, on trouve le griot (Diéli-Kè). C’est le musicien, grand chanteur de louanges de quiconque le paie, le ménestrel du Moyen-Âge. Il joue généralement d’un instrument qui ressemble étonnamment à la vielle du Savoyard, et il en tire des mélodies extravagantes. L’accordéon est aussi en faveur chez lui.

L’homme libre méprise le griot, mais le craint. Il est plus intelligent que le commun de la population, et il exploite tout le monde, soit en chantant les louanges des généreux, soit en faisant chanter et en insultant ceux dont il a à se plaindre.

Le griot va à la guerre sans fusil, comme le forgeron armurier, mais avec un sabre dont il ne se sert pas. Il se contente, pendant le combat, de chanter et d’exciter les guerriers à bien se battre. Si son parti vient à être vaincu, il change sans vergogne d’opinion et exalte servilement le vainqueur, qu’il maudissait avant la bataille. Certains griots deviennent souvent les conseillers des plus puissants chefs.

J’ai connu à Saint-Louis et dans l’intérieur quelques