Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/220

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sont des serviteurs à vie. Ce sont les fillettes de cette catégorie qu’on livre impubères aux amateurs de primeurs. Il est évident que les traitants Noirs, qui ramènent avec eux des esclaves, ne vont pas s’en vanter ; mais le fait n’en est pas moins exact, et j’en ai eu des preuves certaines. Ainsi, dans mon domicile, je voyais souvent venir un négrillon, couleur bronze antique, métis de Maure et de Négresse, qu’un riche traitant Noir, mon propriétaire, s’il vous plaît, avait ramené de l’escale de Podor au moment de la traite des gommes. Cet enfant, complètement nu, malgré ses treize ans, venait aider mon cuisinier à laver la vaisselle, et ses appointements consistaient en un morceau de biscuit de mer, qu’il déchirait avec des dents de jeune chien, et quelquefois un morceau de sucre. Quoique sa peau fût plus claire que celle d’un Câpre et moins que celle d’un Mulâtre, il avait les muqueuses des lèvres et du gland couleur brun rouge très foncé. Voyant que j’avais l’air de m’intéresser un peu à cette créature, mon propriétaire me fit demander un jour si je n’avais pas envie de l’acheter. J’eus l’air d’acquiescer à cette proposition. Il me demanda trois cents francs, disant que c’était le remboursement de la guinée payée pour lui, et qu’il me le vendrait sous la condition expresse de laisser circoncire l’enfant et de ne jamais en faire un Chrétien.

On comprend aisément les motifs qui me firent refuser cette proposition. Croyant que je marchandais, il baissa le prix et, finalement, le fils du propriétaire, grand dadais de vingt ans, me proposa de troquer le négrillon contre un fusil de chasse à percussion centrale, à double canon de rechange, rayé, mon compagnon fidèle depuis quinze ans. Je gardai mon fusil et ne voulus point du négrillon.

Caractères moraux du Noir. — Je dirai seulement