Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/221

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quelques mots des caractères moraux, communs à toute la race noire du Sénégal.

Il est certain que le Noir est encore plus différent moralement du Blanc que par la couleur de la peau. Les observateurs superficiels lui reprochent sa paresse, son apathie, son insouciance, son imprévoyance. Le Noir est un grand enfant, qui ne prend aucun souci de l’avenir. Quand la récolte est bonne, il mange et il boit sans penser à mettre quoi que ce soit en réserve, pas même du grain pour la semence des lougans (terres cultivables). Si la récolte prochaine manque, il meurt de faim. Mais le Noir est honnête, probe ; il a de la reconnaissance et le souvenir des bienfaits reçus. Il oublie même souvent les mauvais traitements. Pendant une maladie qui me tint quinze jours alité, mon jeune boy Sarrakholais puisait à même dans le sac des pièces de cent sous, pour les besoins de la maison. Il était mon factotum : cuisinier, palefrenier, valet de chambre. Il me rendait compte des dépenses faites dans la journée et prenait lui-même l’argent au fur et à mesure des besoins. J’inscrivais hors de sa présence les dépenses journalières sur un carnet, et quand je fus guéri, le compte était exact. Seulement, mon gaillard m’avait mangé quatre kilogrammes de sucre en quelques jours. En Cochinchine, mon sac aurait été enlevé par le boy Annamite dès le premier jour et peut-être même, si j’avais été seul comme au Sénégal, ayant dans mon tiroir une somme assez forte, aurais-je été empoisonné par le voleur désireux de s’assurer l’impunité.

Opinion du Noir sur le Toubab civilisé. — Le Noir (et j’entends par là non pas le Noir ignorant, mais le traitant ou le Sarrakholais qui s’est frotté, à Saint-Louis, à notre civilisation), ne comprend pas un mot à notre système de gouvernement. Pour lui, le gouvernement Français est le mari de la République, qui est une femme