Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/297

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abattus et dépecés. On envoya leurs membres aux tribus voisines pour faire alliance avec elles. Celles qui acceptèrent (au nombre de trois) ces gigots nouveau genre, se déclarèrent contre nous. Il fallut dix-huit mois pour réduire ces quatre tribus.

Un témoin oculaire de l’insurrection de 1878, Paul Branda, qui donne dans ses Lettres d’un Marin des détails inédits et fort intéressants sur cette insurrection, raconte plusieurs faits d’anthropophagie. « Pendant les préparatifs du massacre, » dit-il, « les Canaques entourèrent un capitaine, commandant de Cercle, nommé Chausson, colosse prodigieusement gras ; ils dansèrent un pilou-pilou, chantant en chœur : « Nous mangerons Chausson ! » Puis chaque guerrier venait à son tour agiter devant lui ses armes ; l’un disait : « Chausson, je te mangerai les mains » ; l’autre : « Chausson, je te mangerai les pieds, » chacun jetant son dévolu sur un morceau du succulent capitaine. L’excellent homme, qui entendait la langue du pays, riait de tout son cœur, en disant : « Sont-ils drôles, ces Canaques ! » Vingt-quatre heures après, la tribu tout entière courait aux armes, aux cris de : « Allons manger Chausson ! » Par chance, le naïf Commandant de Cercle, appelé ce jour-là à Nouméa, se dérobait au goût trop prononcé de ses administrés pour sa personne. »

Je citerai encore, du même auteur, le massacre de la Poya. « Les insurgés ont surpris une embarcation montée par onze hommes, chargée de vivres et de cartouches. Un retard inexplicable dans l’envoi des munitions inspira bientôt les plus vives inquiétudes sur le sort de la chaloupe qui les portait ; un canot armé en guerre reçut donc l’ordre de se mettre à sa recherche. Nos marins troublèrent bientôt l’horrible fête, par laquelle les Canaques célébraient leur triomphe. L’approche du festin