Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/298

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fut signalée par des troncs d’homme en décomposition, échoués dans les herbes de la rivière. Les têtes avaient été coupées pour la gloire, les membres pour la gourmandise.

» Dans une clairière, à l’ombre des grands arbres, près de la limpide rivière de la Poya, aux bords ornés de pandanus, des chaises et des fauteuils pris aux habitations saccagées formaient le cercle. Au centre, une tête en putréfaction jouait le rôle de pièce montée. Çà et là, gisaient des ossements humains, consciencieusement grattés, surtout des tibias. Le maître d’équipage dit : « C’est pour faire des flûtes. » Dans des paniers pendus aux branches, on trouva des tranches de viande grillée, arrimées avec soin, d’odeur appétissante ; un ancien charcutier la reconnut pour du porc, un boucher pour du bœuf : un auxiliaire Canaque dit : « Ça ? tayo blanc. » Il se fit un grand silence ; la terreur et l’horreur pesaient sur tous. Ces viandes grillées, pieusement réunies aux ossements épars, reçurent les honneurs funèbres. On a bien fait. Cela n’en semble pas moins étrange d’honorer militairement des restes de cuisine. »

Plus loin, le même auteur ajoute : « Nos alliés ne se gênent plus ; ils mangent l’ennemi devant nos soldats. Le besoin absolu de leurs services nous oblige de fermer les yeux. Le chef de Koné est venu présenter au colonel quatre oreilles gauches : « Tiens ! » lui dit le colonel, tu les as fait cuire ? — Oui, » répond le chef, « pour les conserver. » Après avoir touché la prime, il partit en les croquant. »

L’administration payait dix francs par tête de Canaque rebelle. Les transportés Arabes, qui étaient nos meilleurs éclaireurs, apportaient les oreilles pour toucher la prime. Accusés de rapporter des oreilles de femmes, ils n’apportèrent plus désormais que les pénis et les testi-