Page:Jacques Bainville - Les Dictateurs.djvu/24

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d’autant plus que le respect religieux si favorable à la puissance des patriciens s’en allait.

C’est dans la plèbe que se trouvèrent les premiers soldats de la lutte des classes qui déchira atrocement les villes grecques pendant des siècles.

Elle se poursuivit avec une férocité incroyable. À Mégare, cité où la guerre sociale avait été aussi longue que sanglante, le poète Théognis, poète ou plutôt publiciste du parti aristocratique vaincu, parlait avec haine de ces plébéiens qui « naguère, étrangers à tout droit et à toute loi, usaient sur leurs flancs des peaux de chèvres et pâturaient hors des murs comme des cerfs  ». Il rêvait d’ « écraser du talon cette populace sans cervelle » et terminait par ce cri : « Ah ! puissé-je boire leur sang ! » Les deux partis adverses, les riches et les pauvres, burent en effet leur sang pendant des luttes inexpiables.

Ces luttes atteignirent des proportions telles qu’il n’était pas rare que les partis aux trois quarts épuisés s’entendissent pour confier à un arbitre le soin de régler leur différend, avant qu’ils se fussent entièrement exterminés. Investi de pouvoirs extraordinaires, le conciliateur disposait de toute la puissance publique jusqu’à l’achèvement de sa tâche. Après quoi, l’État