sante santé sur lui. Mais, au lieu d’un musicien, c’était d’un acteur que Louis II faisait son favori.
L’aventure fit scandale, et, en somme, pas beaucoup plus que celle de Wagner.
La préférence accordée par le roi à un comédien sur les personnages officiels et décoratifs dont il fuyait la fréquentation était peut-être humiliante pour les messieurs et pour les dames de Munich. Mais elle n’était pas aussi déshonorante qu’on l’a prétendu. Joseph Kainz, la dernière amitié du roi de Bavière, était un juif qui manquait, à coup sûr, de tact et d’éducation. Ce n’était pourtant pas un sot. Il est mort en 1910, et ç’a été l’acteur de langue allemande le plus illustre de son temps, le Talma, le Frédérik Lemaître de Vienne. Tout de suite, Louis II reconnut une personnalité chez le jeune acteur. Il le protégea avec la même générosité qu’il avait mise à protéger Wagner.
Au mois d’avril 1881, on jouait Marion Delorme au théâtre de Munich. C’était une de ces représentations privées dont Louis II n’avait pas perdu le goût. Il remarqua dans le personnage de Didier un artiste qu’il n’avait encore jamais vu. Joseph Kainz avait vingt-trois ans, et il menait une vie de comédien errante et sans gloire. Sa physionomie sémite, mais fine, était attirante et expressive. Ardent, élégant, son jeu en dehors, pittoresque, son panache romantique, enchantèrent Louis II, qui, aussitôt la pièce achevée, envoya au jeune acteur quelques mots de félicitations accompagnés d’une bague de prix. Joseph Kainz a raconté lui-même tous les détails, et sans faire grâce d’aucun, de la fortune foudroyante qui le tirait de l’obscurité. Deux fois, en mai, Louis II voulut revoir Kainz dans le même spectacle. Le mois d’après, faveur insigne, il accordait au comédien l’entrée d’un de ses châteaux mystérieux et impénétrables, celui de Linderhof.