à l’esprit petit-bourgeois et paysan, est un luxe étriqué, souvent misérable. À ce point de vue, les souverains de Bavière n’étaient pas les mieux partagés, et leur résidence tenait à la fois du couvent et de la caserne. Salons d’audience, salles d’attente ou de fêtes déroulent, avec un dessin naïf et un coloris cru, l’histoire demi-légendaire de Charlemagne et de Barberousse et l’épopée sanglante des Nibelungen. Louis II grandit, obsédé par cette imagerie de théâtre qu’il retrouvait encore à Hohenschwangau — la « haute terre du cygne » — un modeste castel romantique et campagnard. Louis II s’y plut toujours, il y revint fidèlement, même lorsqu’il eut à la disposition de ses caprices des palais de féerie. Et elle est touchante par sa simplicité, par l’innocence de son mauvais goût, cette gentilhommière royale qui ne songe même pas à cacher sa date de 1830, où un mobilier d’acajou du plus pur style Louis-Philippe encadre des peintures dont chacune est une légende et une ballade. Car il y a, à Hohenschwangau comme à Munich, une égale débauche de fresques. Mais là, ces fresques sont de Maurice de Schwind, le peintre romantique par excellence, le peintre des enchantements, des dragons et des nains, celui qui mettait dans ses tableaux tout le bric-à-brac de ce moyen âge mystique et pieux qu’Henri Heine a tant raillé chez les poètes et les conteurs de la renaissance catholique allemande. On pressent déjà par l’effet de quelle suggestion Louis II sera saisi d’enthousiasme pour Lohengrin. Hohenschwangau, justement, revendique la légende du cygne. C’est d’un lac voisin, l’Alpsee, que le chevalier à la blanche armure serait venu au secours d’une Elsa bavaroise. C’est pourquoi le cygne, emblème de Hohenschwangau, se retrouve sous mille formes dans tous les coins du castel. Mais Louis II est du moins innocent des faïences et des porcelaines ailées dont M. Maurice Barrès lui a imputé
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