amour-propre d’auteur fut d’accord avec la sincérité de sa gratitude, non moins qu’avec son intérêt, pour prolonger aussi longtemps que possible cette situation un peu théâtrale.
S’il y avait dans l’enthousiasme de Wagner des feintes de vieil acteur, chez Louis II la fraîcheur du sentiment était irréprochable. C’est un idéalisme en fleur qu’il apportait à Richard Wagner. Fallait-il craindre une déception ? Ces élans de sympathie qu’inspirent à la jeunesse les œuvres d’un artiste, ces amitiés conçues à travers les livres ne résistent pas bien souvent au contact de l’homme. Mais Richard Wagner n’eut pas besoin de payer beaucoup de sa personne pour entretenir la fièvre d’admiration de Louis II. Pour le jeune prince, tout était fait « de la même matière que ses songes ». Son imagination, qui recevait peu d’aliments du dehors, ne risquait pas non plus d’être surprise par la découverte du réel. Si l’illusion est un voile, il attachait ce voile solidement et de sa propre main au-dessus des choses. Il savait écarter, de l’homme ou du spectacle qu’il avait choisis, les éléments capables de troubler son rêve, ou, en d’autres termes, son plaisir. Ainsi, pourra lui plaire un Trianon bizarrement élevé parmi les rochers et les neiges du Tyrol. Grand amateur de théâtre, il était de ceux qui, dans toutes les occasions de la vie, se jouent une pièce à eux-mêmes, et qui gardent, de leur enfance, le don de créer à chaque pas de l’irréalité. Quel que fût le caractère de Wagner, si peu de souplesse que lui laissât son âge, l’amitié du jeune souverain ne courait qu’un seul risque c’était que le caprice s’épuisât.
Nous n’avons guère de détails sur cette tumultueuse intimité. « Vous êtes protestant ? aurait demandé Louis II à Wagner dans leur première entrevue. C’est très bien ! Toujours libéral cela me plaît ! » Paroles mécaniques de bon élève royal et constitutionnel, accoutumé à trouver une for-