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Page:Jacques Bainville - Louis II de Bavière.djvu/45

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selon la formule consacrée, posée devant l’opinion. Une crise était ouverte. Elle devint tout de suite grave par la passion qu’apporta Louis II à se défendre contre l’injustice de la foule et à protéger son favori. Les lettres qu’il écrivit à Wagner à partir de ce moment prennent même un caractère déjà bien inquiétant pour l’équilibre intellectuel de leur auteur. Voici un fragment sans doute contemporain de la campagne contre le roi et contre Wagner :

«… Ô mon ami, si terrible et si difficile qu’on nous fasse la position, je ne veux pourtant pas me plaindre. Car je L’ai, l’Ami, l’Unique. Ne nous plaignons pas bravons les caprices et les perfidies du jour, et, pour ne permettre à personne d’agir sur nous, retirons-nous du monde extérieur : il ne nous comprend pas…

« Je vous en prie, je vous en conjure, mon bien cher, dites-moi quelle calomnie on trame contre moi. Oh ! sombre monde chargé de vices ! Rien ne lui est donc sacré ! Mais penser à vous me réconforte toujours. Jamais je n’abandonnerai l’Unique. On peut se déchaîner tant qu’on voudra contre nous : nous demeurerons fidèles l’un à l’autre. Le ciel est dans cette pensée.

Maintenant, je veux être avec vous dans la forêt de Siegfried et me rafraîchir l’âme au chant de l’oiseau. Oubliez notre grossier entourage frappé d’aveuglement, rampant dans l’obscurité. Que notre amour brille, éclatant…

Fidèle jusque dans la mort. »

« L. »

C’est plus qu’une contrariété, c’est une blessure. L’exaltation même de ces pauvres lettres révèle, à travers leur débauche de littérature, un cœur et, déjà peut-être, un cerveau touchés. Il est remarquable qu’un sensible changement dans la vie et dans le caractère du roi ait coïncidé avec les manifestations du mécontentement public contre Wagner. C’est à ce moment que Louis II commença ses longues re-