ambitieux se servirent de cette affection comme d’un moyen de s’emparer de l’esprit du roi. Hohenlohe ne cache même pas que c’est par là qu’il réussit à parvenir au ministère, qu’il avait une première fois manqué, au début du règne. L’habile politique fit en sorte que Louis II apprit que Hohenlohe, une fois au pouvoir, ne mettrait pas d’obstacle au retour de Wagner à Munich. Aussi, quand parut le décret royal qui lui confiait le pouvoir, Hohenlohe ne se fit-il pas prier un seul instant. Et, deux mois plus tard, Wagner était revenu à Munich, parlant haut, donnant son avis, se posant en protecteur du ministère libéral. Hohenlohe a rapporté une conversation que Wagner était venu lui demander dans son cabinet, et où la patience faillit bien manquer au premier ministre, agacé par les airs de supériorité du musicien. Il est curieux, en tout cas, de constater que Wagner et Hohenlohe avaient la même pensée sur le rôle de la Bavière dans l’œuvre très prochaine de l’unité allemande et que l’effort intellectuel et artistique de l’un, politique de l’autre, tendait pareillement à faciliter l’œuvre d’absorption de la Prusse.
Avec le ministère libéral recommença donc, pour le musicien, une ère de faveur, mais, cette fois, de faveur officielle. Et, lorsqu’on s’occupa de monter à l’Opéra de la cour les Maîtres Chanteurs, au printemps de 1868, Wagner put, au grand jour, surveiller les répétitions. La première eut lieu le 12 juin. Ce fut une des belles journées de la vie de Louis II. On le vit dans sa loge, « l’enthousiasme peint sur ses traits, la bouche entr’ouverte d’admiration, ses grands yeux perdus dans l’extase », dit une spectatrice. Près de lui, en apercevait le profil aigu de Wagner, « les lèvres serrées, fixant sur la scène son regard critique ». Bülow dirigeait l’orchestre. Sa baguette semblait électrisée : de toute son âme, il se donnait à l’œuvre de son ami. Le rideau tombé, des applaudissements