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Page:Jacques Bainville - Louis II de Bavière.djvu/64

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CHAPITRE III

MISANTHROPIE ET MERVEILLEUX


Les exemples de misanthropie irréductible, hors de la littérature, ne sont pas très fréquents. La misanthropie native est plus rare encore, et un Timon, un Alceste, sont justifiés par leur expérience du genre humain. Être Timon ou Alceste à vingt-cinq ans, monter sur le trône et rester réfractaire à toute sociabilité, voilà le cas probablement sans précédent que Louis II présenta au monde, entre 1871 et 1886.

« L’homme ne me plaît pas, et la femme non plus », dit Hamlet. Cette devise d’un prince de théâtre, devenue celle d’un monarque véritable, devait entraîner une situation d’une originalité unique et développer des conséquences imprévues. Ce pasteur d’hommes, méprisant les hommes, fut obligé de se protéger avec un soin jaloux contre le contact de l’espèce humaine. Lorsque les grands, les ministres, les secrétaires d’État se présentaient devant lui, il ne voyait pas la dignité de leur rang ou de leur charge ; il lisait dans leur cœur, pénétrait leurs calculs, riait du dédain qu’il découvrait dans leurs yeux pour son idéalisme. Dispositions qui eussent convenu à un philosophe, à un auteur satirique ou dramatique,