mais qui étaient singulièrement dangereuses chez un chef de gouvernement. Louis II céda vite aux exigences de sa misanthropie. Avec un esprit de suite d’ailieurs remarquable et une rare précocité dans le mépris de l’opinion publique, il s’occupa de se construire un monde à part, aussi loin que possible du réel. Pendant quinze années, où il se passa fort bien de la compagnie de ses semblables, l’intelligence de Louis II ne s’appliqua plus à un autre objet. Il conçut la vie comme un spectacle dont il prétendit régler les détails à son gré, devant en être l’unique spectateur. Beau monstre d’égoïsme, si l’on veut, mais enfin monstre pourtant.
L’aventure wagnérienne, la restriction de sa souveraineté après 1871, avaient été pour Louis II, il faut le reconnaître, deux pénibles écoles. L’indifférence des gens de Munich à ses conceptions d’art, la rudesse de la politique prussienne, devaient-elles pourtant avoir pour conséquence inévitable une retraite au désert ? Il est bien difficile de le penser. En vérité, Louis II était venu au monde insociable, n’ayant de goût que pour ses rêveries. S’il est exact de dire que, non seulement l’amour, mais que l’amitié même est égoïste, Louis II porta au plus haut point l’art de ne penser qu’à soi jusque dans ses rares accès de dévouement à autrui.
C’est au chapitre des femmes que se jugent les hommes. Ce chapitre, dans la vie de Louis II, fut court. Et il montre sous un jour cruel l’inaptitude du roi de Bavière à la vie sentimentale.
Louis II, durant les premières années de son règne, avait une réputation de beauté que l’image, il faut l’avouer, ne soutient guère. Des traits fins, un ovale délicat, des yeux noyés de rêverie, un front découvert et lumineux, sont gâtés, sur les portraits de sa jeunesse, par un air d’enthousiasme immodéré et par une chevelure excessive aux boucles brunes