de faire porter, à l’heure où dort le commun des mortels, des fleurs ou un bijou à sa fiancée. Et ce n’était pas tout si l’aide de camp chargé de cette mission de confiance ne rapportait pas une lettre de remerciements, c’était un manque d’égards dont se froissait le roi. Et supposons que ces billets fussent du style de ceux que recevait Wagner : l’homme de Bayreuth ne s’étonnait pas du lyrisme d’autrui, et il n’était guère embarrassé pour répondre de la même encre. La pauvre petite princesse, qui n’était pas une enthousiaste de profession, n’avait pas les moyens de se tenir à volonté sur les sommets romantiques. Est-ce d’elle que vint la déception de Louis ? Est-ce Louis II qui fit douter de l’équilibre de son esprit ? Clairvoyance d’une part ou bien imagination de l’autre, le beau roman princier finit mal. Heureusement, il n’était pas trop tard.
Dès lors, le chapitre des femmes fut fermé pour le beau ténébreux à qui s’offraient tant de cœurs et qui eût pu séduire ceux qui ne s’offraient pas. Il resta sur le trône comme un Hippolyte farouche, pareil aussi, pour prendre dans la mythologie wagnérienne une comparaison qui s’impose, à ce Siegfried en qui il aimait à se reconnaître, et qui, après avoir bravé tous les dangers, « connaît la peur » en découvrant la Valkyrie Brunhilde. Mais Louis II ne surmonta jamais la peur du héros.
Plus misogyne encore que misanthrope, acceptant plus volontiers un compagnon qu’une compagne, il fut le « roi vierge », et il le resta sans effort, sans regret. Tempérament ? Mystère physiologique ? On l’ignore. Mais le fait est certain. Le chevalier de Haufingen, dans une biographie parue peu de temps après la mort du roi, a recueilli le singulier certificat que le premier valet de chambre de Louis Il donnait, non sans quelque solennité, à son maître. « Le roi, disait ce vertueux