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Page:Jacques Bainville - Louis II de Bavière.djvu/90

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la notion des devoirs du souverain envers l’État, restait insensibie aux avis de ses ministres.

Le Versailles du Chiemsee fut un gouffre. Ce prodigieux pastiche coûta aussi cher que l’original. Mais la Bavière ne possède ni les ressources ni la générosité de la France. Et puis, le Versailles de Louis XIV répondait à une politique, à la formation d’une cour et d’une société, proclamait l’indiscutable souveraineté du monarque sur tous les gentilshommes du royaume, attestait la victoire de la monarchie absolue sur la puissance féodale et sur les puissances d’argent, était une réponse au faste du financier Fouquet. Versailles recueillait l’admiration de tous les mondes, celui des lettres, celui des arts, celui de la noblesse, celui de la bourgeoisie. À l’étranger, ce palais était devenu le signe éclatant du prestige conquis par la monarchie française. Herrenchiemsee n’avait aucune de ces excuses. Le vaste palais désert, où s’entassaient les richesses, ne servait qu’aux mornes rêveries solitaires d’un prince sans cour, sans admirateurs, sans poètes, sans maîtresses. C’est pourquoi les énormes dépenses où Louis II était entraîné par ce caprice qui passait la mesure firent murmurer les bourgeois de Munich plus fort qu’au temps même où Wagner était le favori : Versailles devait causer la perte de Louis II.

À vingt ans, il avait écouté l’opinion publique, il s’était séparé de Wagner. Maintenant, il opposait un mépris glacial aux reproches de la presse et aux voix de la foule. Un vertige d’orgueil l’avait saisi. Il avait voulu que son palais dépassât, par quelques côtés, celui des rois de France, que sa Galerie des Glaces dépassât la vraie de quelques pieds, que sa chambre de parade fût la plus imposante des chambres de roi. Dans le grand vestibule d’Herrenchiemsee, un paon merveilleux, dressé sur un piédestal isolé, représente allé-