pendant peu terrible, on vit le roi pâlir. Sa gaieté tomba soudain. Il se leva de table, donna l’ordre d’atteler et s’en fut passer la nuit à Steingaden. Il revint à Hohenschwangau quand une dépêche l’eut prévenu que son cousin était reparti, et il se félicita, comme d’un succès, d’avoir esquivé la visite et le visiteur. Après dix ans d’exercice du métier de roi, où la représentation et les réceptions composent le programme quotidien et quelquefois même toute la réalité du labeur constitutionnel, ces caprices, ces mouvements d’humeur, cette incapacité de dissimuler les antipathies, apparaissaient comme de véritables extravagances. Un aliéniste n’eût pas manqué de murmurer déjà le terrible mot de « phobie ».
Mais il est bien certain que la phobie eût paru mille fois moins grave, qu’on l’eût même regardée comme inoffensive, si Louis II n’eût été roi.
Louis II, misanthrope et esthète, haïssait la foule. Il haissait surtout la sottise, même couronnée, et la vulgarité, même lorsqu’elle se cache sous des quartiers de noblesse. Beaucoup d’honnêtes gens sont dans ce cas, et on leur en fait déjà un grief. À plus forte raison, la société ne pardonne-t-elle pas à l’homme qui dédaigne ses lois, lorsqu’il se trouve tout à fait à la tête de la vie sociale. Malheur aux souverains qui naissent avec un cœur délicat et trop de répugnance aux corvées officielles.
Louis II ne faisait pas de distinction entre la cour et la ville. Les contraintes sociales l’irritaient partout. Sans doute, il supportait rarement, et avec une visible impatience, les défilés populaires, les fêtes publiques, les cérémonies. De même qu’il lui fallait des représentations privées, la présence de la foule gâtait, n’importe où, son plaisir. Retournant un jour, à l’heure des entrées, dans une exposition du Palais