son pinceau, un peintre accuse ou innocente le modèle. Un beau portrait est un témoin. On peut étudier Louis II d’après la toile qu’a signée Lenbach et qu’on voit à l’Hôtel de Ville de Munich. L’artiste, que la plénitude et la vigueur du Titien ont toujours hanté, a représenté le roi aux environs de sa trentième année, debout, revêtu d’un sombre costume de style Renaissance, la rapière au côté, le visage éclairé par la fraise où s’emprisonne le cou. Ce n’est plus le bel adolescent romantique de la passion wagnérienne, le roi jeune fille aux paupières battantes. Le front si pur est encore serein. Mais les yeux ont un éclat dur. Entre les sourcils très noirs se creuse un pli révélateur. Angoisse ou lutte, doute, inquiétude ou souffrance, un drame intérieur se reflète sur ce visage. Mais le peintre n’a pas trahi Louis II : sous ce masque tourmenté continue de veiller une pensée ardente.
Personne n’a osé tenir pour folle cette Élisabeth d’Autriche que Maurice Barrès a nommée « l’Impératrice de la solitude ». On a conclu à la folie de Louis II pour une conception de la vie qui n’était pas différente de celle que sa cousine a magnifiquement exprimée. Unies par le sang, ces deux rares natures avaient encore des affinités spirituelles. La châtelaine sans cour de l’Achilleion de Corfou, la voyageuse errante de l’Adriatique et de la mer Egée ne recommençait-elle pas la vie du roi de Bavière, enfermée dans ses châteaux merveilleux ou bien courant en traîneau ses montagnes tyroliennes ? Elle aussi préférait d’humbles confidents à la société des rois. Elle possédait un don que n’eut pas Louis II celui de revêtir ses pensées de belles images littéraires. Mais ces pensées, elle les partageait avec son cousin. Elle disait « La solitude est une forte nourriture. » Et il l’aurait dit avec elle. Elle disait encore : « Après mes retraites, je m’aperçois que l’on sent davantage le poids de