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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/116

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l’Hymne à la liberté chanté par les élèves du Conservatoire. Puis, aux félicitations des Directeurs, le proconsul d’Italie répond par des phrases brèves et vagues, des maximes générales où chacun peut, comprendre ce qu’il lui plaît. Il est, au choix, le héros d’Arcole ou le pacificateur de Campo-Formio. Il est celui qui arrête la guerre ou qui la poursuit pour donner à jamais à la République les frontières que « la nature a elle-même posées », comme il est celui qui continue la Révolution ou qui en fixe le terme.

Ses attitudes, ses costumes entretiennent cette équivoque. La Cour de Cassation donne une audience en son honneur. Il s’y rend accompagné d’un seul aide de camp, tous deux en civil. Il est élu membre de l’Institut, section de mathématiques. Il ne manque pas une séance. Il recherche, il fréquente, il séduit les savants, les gens de lettres, les « idéologues », et l’uniforme académique est celui qu’il revêt de préférence pour les cérémonies officielles. Guerrier, diplomate, savant, législateur, il est tout cela à la fois, comme il l’était à sa cour de Mombello. C’est à la gloire des armes qu’il semble le moins tenir. Les honneurs militaires ne lui viennent-ils pas comme par surcroît ? Le département de la Seine débaptise la rue Chantereine où il habite avec Joséphine pour l’appeler rue de la Victoire. Le vainqueur de l’Autriche, de ses armées, de ses vieux maréchaux, met une sorte d’élégance à laisser dire par les autres qu’il est un grand capitaine.

C’est moins affectation, et même, peut-être, est-ce moins calcul que sentiment de sa supériorité. Avec les « avocats du Directoire », il n’est ni rampant ni arrogant. Il leur voue un dédain tranquille et secret. Il évite de se faire des affaires avec eux. Il ne recherche la faveur d’aucun d’eux. Hoche, qui vient de mourir, intriguait avec Barras. Joubert est l’homme de Sieyès. Pichegru, Moreau peut-être,