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NAPOLÉON

Ces constructions hâtives, ces espèces de baraquements politiques que Bonaparte élève après chacune de ses courses victorieuses à travers l’Europe et qui étendent toujours, selon les mêmes données, les annexes dont la Révolution avait déjà flanqué ses propres conquêtes, ce sont des châteaux dans les nuages. Et tout cela, qui est démesuré, ne paraît absurde que si l’on oublie l’absurdité essentielle, foncière, d’une situation qui durait déjà depuis près de quinze ans, la loi d’une entreprise qui consistait à faire, sans marine, la guerre aux Anglais, à conquérir la mer par la terre. Mais les Anglais étaient moins disposés qu’ils ne l’avaient jamais été à faire la paix et à reconnaître à la France la possession de la Belgique, alors que, pour garder la Belgique, la France, de proche en proche, était entraînée à dominer le continent.

Quand on énumère les agitations de Bonaparte, quand on regarde, en se disant qu’il est inévitable que l’édifice s’écroule, l’entassement de ses alliances, de ses traités, de ses annexions, de ses victoires même, on oublie ce qui commandait sa position. Il ne l’oubliait pas. La guerre avec les Anglais avait recommencé depuis le mois de mai 1803, un an avant la proclamation de l’Empire, cet état de guerre devait durer jusqu’à la chute de Napoléon, et personne n’a jamais dit comment il aurait pu en sortir. Condamner les moyens qu’il a employés revient à reconnaître qu’ils ont été inutiles comme la tentative elle‑même, car personne n’en a jamais indiqué de meilleurs. Ou plutôt, un seul eût été vraiment efficace. C’eût été d’évacuer tout de suite la Belgique, chose à laquelle Napoléon pouvait penser moins qu’un autre puisqu’on était allé jusqu’à lui décerner le pouvoir suprême pour qu’il conservât à la France cette conquête fondamentale de la Révolution.

La trêve d’Amiens s’était rompue sur le prétexte de Malte. À Tilsit, Napoléon et Alexandre convien-