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L’OUVRAGE DE TILSIT

nent de laisser Malte à l’Angleterre, qui ne daigna être fléchie pour si peu puisque l’île n’avait pas cessé d’être en sa possession. Ainsi du petit au grand. Rien ne sera fait tant que l’Angleterre ne sera pas vaincue, et tout, dans la politique napoléonienne, est destiné à produire la défaite ou la capitulation de l’Angleterre comme tout, dans la politique du cabinet de Londres, est destiné à produire la renonciation de la France aux conquêtes qui ont été, dès 1793, frappées d’interdit par le gouvernement anglais. Alors, il faut que le blocus continental qui est, contre l’Angleterre, l’arme unique de Napoléon, devienne complet, hermétique. C’est à cela que Tilsit doit servir comme l’alliance russe doit servir à imposer la fermeture des ports dans les États réfractaires ou récalcitrants. Cette paix précise et agrandit le « qui n’est pas pour moi est contre moi » en vigueur des deux côtés de la Manche, et qui provoque sans arrêt les coalitions et les contre‑coalitions.

Pas un instant Napoléon ne perd de vue son objet. Sur le chemin du retour en France, de Dresde, le 19 juillet, il donne à Talleyrand ses instructions, déduites du traité qui vient d’être signé onze jours plus tôt au bord du Niémen.

Partout où le blocus continental a des fissures, les boucher. « Monsieur le prince de Bénévent, il faut s’occuper sans retard de faire fermer tous les ports du Portugal à l’Angleterre. » Si le Portugal refuse, on lui déclarera la guerre conjointement avec le roi d’Espagne qui, étant l’allié de la France, doit comprendre l’urgence de cette mesure. Prenons note ; c’est l’amorce de la plus funeste des entreprises. Mais la logique le veut, et la nécessité. Dans le même esprit, le 28 août, Napoléon écrit à son autre grand allié, celui de Pétersbourg, afin qu’il agisse aussi à Vienne, d’accord avec la France, pour que l’Autriche, à son tour, ferme ses ports aux Anglais. Il est vrai qu’Alexandre n’a pas tout à fait fermé les