Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/53

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qu’elle venait de jeter la tête de Louis XVI en défi à l’Europe, qu’elle entrait en guerre avec l’Angleterre, la Hollande et l’Espagne, son ambition à lui était de se distinguer par la conquête d’un abri de pêcheurs.

À peine a-t-il parlé de cet épisode et, d’ailleurs, il n’aimait pas à se rappeler son dernier séjour au pays natal. L’expédition de la Madeleine ne fut même pas un désastre. Ce fut une honte. Paoli, à qui la Révolution, dans la période de l’enthousiasme, avait donné le commandement des bataillons corses parce qu’il était un héros de la liberté et un martyr du despotisme, commençait à prendre une attitude douteuse. Il n’était pas partisan d’un coup de main sur la Sardaigne, regardant les Sardes comme des frères, et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’y mettait pas de bonne volonté. D’autre part les marins de la République qui transportaient les troupes de débarquement et devaient les appuyer se composaient de la plus sale écume des ports. Aux premiers coups de canon qui partirent des forts ennemis, ils crièrent à la trahison et se révoltèrent contre leurs chefs. Les volontaires corses avaient déjà pris terre. Voyant s’éloigner la frégate qui devait les protéger de son feu, ils furent saisis de panique à leur tour. Il fallut repartir au plus vite, si vite que Bonaparte, la rage au cœur, dut abandonner ses trois pièces d’artillerie. Fâcheux début et qui fut sur le point de tourner plus mal encore, car, au retour à Bonifacio, les marins de la République faillirent assassiner le jeune lieutenant-colonel.

Il n’est pas à la fin des déboires. Pas une de ses illusions qui ne doive s’envoler. Paoli, maintenant, tourne le dos à la Révolution qui ne donne pas l’indépendance à la Corse. Il reprend position contre la France. Bonaparte a trouvé chez son grand homme de la froideur, puis de la suspicion. Désormais, c’est de l’hostilité, une hostilité étendue à