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PRÉFACE.


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Comme un colosse immense, enjambant les deux mets,
La superstition règne sur l’univers.


Thomas.


Lorsqu’on s’arrête un instant à considérer les différents peuples qui chargent la terre et que l’on parcourt les annales des nations qui ont passé, on trouve partout une religion et un culte ; mais, à toutes les époques et dans tous les pays où l’orgueil éloigne l’homme des règles que Dieu lui a données, les idées mêmes de la Divinité s’ensevelissent dans un chaos d’où sortent mille superstitions absurdes.

Dans l’ère ancienne, il n’y a qu’un petit peuple à qui Dieu reste connu : c’est le peuple d’Israël. Depuis la venue de Jésus-Christ, tous les enfants de son Église, répandue sur toute la terre, le connaissent et le comprennent. Cependant, encore chez nous comme chez les anciens Juifs, les abus superstitieux n’ont pas tous disparu. C’est que la superstition, œuvre de l’ancien ennemi, peut dénaturer souvent dans les cœurs gâtés la religion même dont elle se couvre, et servir ensuite de thème à ces enfants de Satan qui l’aident à lutter contre l’Église.

Dans les vieilles mythologies, c’est la superstition qui, obscurcissant la notion de Dieu, fit adorer à sa place le parricide et l’inceste, la cruauté, la vengeance, la prostitution et le vol, sous les images de Jupiter, de Mars, de Junon, de Vénus et de Mercure. Quelquefois même l’esprit du mal eut un triomphe plus brutal et plus audacieux, lorsqu’il s’appela Baal, Moloch, Bélial, et qu’il régna effrontément sur des autels baignés de sang humain. Ces abominables excès, châtiments de grands crimes, disparurent devant l’Évangile, et les démons repoussés durent imaginer des impostures plus timides.

Les superstitions qu’ils entretinrent, triomphantes chez les peuples étrangers à la foi, ne purent s’attacher au catholicisme que comme des scories impures. Mais elles ont cherché plusieurs fois à le miner ; et, quoique les philosophes se vantent, il est bien établi que c’est l’Kglise qui a toujours fait le plus pour extirper les superstitions, dont on peut trouver la source dans quatre causes que les docteurs chrétiens n’ont jamais cessé de combattre : l’ignorance, l’orgueil, le fanatisme et la peur.

Les maladies inconnues, les accidents peu communs, les phénomènes, les événements qui passaient le cours ordinaire des choses, furent expliqués d’une manière prodigieuse ; et, sans les lumières que l’Église ne cessa de répandre, nous serions, comme les peuples de l’Orient, sous l’empire des génies et des magiciens qui occupent la première place dans les récits des Mille et une Nuits.

Le désir de dominer produisit les devins et les astrologues. Puis, à côté de ceux qui lisaient dans le cours des astres le sort de l’homme avec toutes ses variations, se dressèrent les habiles qui, sans chercher les choses de la terre dans les signes du ciel,


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