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tretenir des affaires du pays, manda les plus braves chefs à un conseil. Il les fit loger dans son château, où il avait caché dans un lieu secret quelques soldats accoutrés de vêtements horribles faits de grandes peaux de loups marins, qui sont très-fréquents dans le pays, voisin de la mer. Ils avaient à la main gauche des bâtons de ce vieux bois qui luit la nuit, et dans la droite des cornes de bœuf percées par le bout. Ils se tinrent reclus jusqu’à ce que les seigneurs fussent ensevelis dans leur premier sommeil : alors ils commencèrent à se montrer avec leurs bois qui éclairaient, et firent résonner leurs cornes de bœuf, disant qu’ils étaient envoyés pour leur annoncer la guerre contre les Pietés. — Leur victoire, ajoutaient-ils, était écrite dans le ciel. Ces fantômes jouèrent bien leur rôle, et s’évadèrent sans être découverts. Les chefs émus vinrent trouver le roi, auquel ils communiquèrent leur vision ; et ils assaillirent si vivement les Pietés qu’ils ne les défirent pas seulement en bataille, mais qu’ils en exterminèrent la race[1].

Céphalonomancie. Voy. Képhalonomancie.

Ceram, l’une des îles Moluques. On y remarque, sur la côte méridionale, une montagne où résident, dit-on, les mauvais génies. Les navigateurs de l’île d’Amboine, qui sont tous très-superstitieux, ne passent guère en vue de cette montagne sans faire une offrande à ces mauvais génies, qu’ils empêchent ainsi de leur susciter des tempêtes. Le jour, ils déposent des fleurs et une petite pièce de monnaie dans une coque de coco ; la nuit, ils y mettent de l’huile avec de petites mèches allumées, et ils laissent flotter cette coque au gré des vagues.

Cérambe, habitant de la terre, qui se retira sur une montagne au moment du déluge de Deucalion et qui fut changé en cette espèce d’escargot qui a des cornes. Il en est la tige ou la souche, dans l’ancienne mythologie.

Ceraunoscopie. Divination qui se pratiquait, chez les anciens, par l’observation de la foudre et des éclairs, et par l’examen des phénomènes de l’air.

Cerbère. Cerberus ou Naberus est chez nous un démon. Wierus le met au nombre des marquis de l’empire infernal. Il est fort et puissant ; il se montre, quand il n’a pas ses trois têtes de chien, sous la forme d’un corbeau ; sa voix est rauque : néanmoins il donne l’éloquence et l’amabilité ; il enseigne les beaux— arts. Dix-neuf légions lui obéissent.

On voit que ce n’est plus là le Cerbère des anciens, ce redoutable chien, portier incorruptible des enfers, appelé aussi la bête aux cent têtes, centiceps bellua, à cause de la multitude de serpents dont ses trois crinières étaient ornées. Hésiode lui donne cinquante têtes de chien ; mais on s’accorde généralement à ne lui en reconnaître que trois. Ses dents étaient noires et tranchantes, et sa morsure causait une prompte mort. On croit que la fable de Cerbère remonte aux Égyptiens, qui faisaient garder les tombeaux par


des dogues. Mais c’est principalement ici du démon Cerberus qu’il a fallu nous occuper. En 1586, il fit alliance avec une Picarde nommée Marie Martin. Voy. Martin.

Cercles magiques. On ne peut guère évoquer les démons avec sûreté sans s’être placé dans un cercle qui garantisse de leur atteinte, parce que leur premier mouvement serait d’empoigner, si l’on n’y mettait ordre. Voici ce qu’on lit à ce propos dans le fatras intitulé Grimoire du pape Honorius : « Les cercles se doivent faire avec du charbon, de l’eau bénite aspergée, ou du bois d’une croix bénite… Quand ils seront faits de la sorte, et quelques paroles de l’Évangile écrites autour du cercle, sur le sol, on jettera de l’eau bénite en disant une prière superstitieuse dont nous devons citer quelques mots : « — Alpha, Oméga, Ély, Élohé, Zébahot, Élion, Saday. Voilà le lion qui est vainqueur de la tribu de Juda, racine de David. J’ouvrirai le livre et ses sept signets… » Il est fâcheux que l’auteur de ces belles oraisons ne soit pas connu, on pourrait lui faire des compliments.

On récite cela après quelque formule de conjuration, et les esprits paraissent. Voy. Conjuration. Le Grand Grimoire ajoute qu’en entrant dans le cercle, il faut n’avoir sur soi aucun métal impur, mais seulement de l’or ou de l’argent, pour jeler la pièce à l’esprit. On plie cette pièce dans un papier blanc, sur lequel on n’a rien écrit ; on l’envoie à l’esprit pour l’empêcher de nuire ; et, pendant qu’il se baisse pour la ramasser devant le cercle, on prononce la conjuration qui le soumet. Le Dragon rouge recommande les mêmes précautions.

Il nous reste à parler des cercles que les sor-

  1. Boistuaux, Histoires prodigieuses, t. I.