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ciers font au sabbat pour leurs danses. On en montre encore dans les campagnes ; on les appelle cercles du sabbat ou cercles des fées, parce qu’on croyait que les fées traçaient de ces cercles magiques dans leurs danses au clair de la lune. Ils ont quelquefois douze ou quinze toises de diamètre et contiennent un gazon pelé à la ronde de la largeur d’un pied, avec un gazon vert au milieu. Quelquefois aussi tout le milieu est aride, desséché, et la bordure tapissée d’un gazon vert. Jessorp et Walker, dans les Transactions philosophiques, attribuent ce phénomène au tonnerre : ils en donnent pour raison que c’est le plus souvent après des orages qu’on aperçoit ces cercles. D’autres savants ont prétendu que les cercles magiques étaient l’ouvrage des fourmis, parce qu’on trouve souvent ces insectes qui y travaillent en foule. On regarde encore aujourd’hui, dans les campagnes peu éclairées, les places arides comme le rond du sabbat. Dans la Lorraine, les traces que forment sur le gazon les tourbillons des vents et les sillons de la foudre passent toujours pour les vestiges de la danse des fées, et les paysans ne s’en approchent qu’avec terreur[1].

Cercueil. L’épreuve ou jugement de Dieu par le cercueil a été longtemps en usage. Lorsqu’un assassin, malgré les informations, restait inconnu, on dépouillait entièrement le corps de la victime ; on le mettait dans un cercueil, et tous ceux qui étaient soupçonnés d’avoir eu part au meurtre étaient obligés de le toucher. Si l’on remarquait un mouvement, un changement dans les yeux, dans la bouche ou dans toute autre partie du mort, si la plaie saignait, — celui qui touchait le cadavre dans ce mouvement extraordinaire était regardé et poursuivi comme coupable. Richard Cœur de lion s’était révolté contre Henri il son père, à qui il succéda. On rapporte qu’après la mort de Henri II, Richard s’étant rendu à Fontevrault, où le feu roi avait ordonné sa sépulture, à rapproche du fils rebelle, le corps du malheureux père jeta du sang par la bouche et par le nez, et que ce sang jaillit sur le nouveau souverain. On cite plusieurs exemples semblables, dont la terrible morale n’était pas trop forte dans les temps barbares :

Voici un petit fait qui s’est passé en Écosse : — Un fermier, nommé John Mac Intos, avait eu quelques contestations avec sa sœur Fanny MacAllan. Peu de jours après il mourut subitement. Les magistrats se rendirent chez lui et remarquèrent qu’il avait sur le visage une large blessure, de laquelle aucune goutte de sang ne s’échappait. Les voisins de John accoururent en foule pour déplorer sa perte ; mais, quoique la maison de sa sœur fût proche de la sienne, elle n’y entra pas et parut peu affectée de cet événement. Cela suffit pour exciter parmi les ministres et les baillis le soupçon qu’elle n’y était peut-être pas étrangère. En conséquence, ils lui ordonnèrent de se rendre près du défunt et de placer la main sur son cadavre. Elle y consentit ; mais avant de le faire, elle s’écria d’une voix solennelle : Je souhaite humblement que le Dieu puissant qui a ordonné au soleil d’éclairer l’univers fasse jaillir de cette plaie un rayon de lumière dont le reflet désignera le coupable. Dès que ces paroles furent achevées, elle s’approcha, posa légèrement un de ses doigts sur la blessure, et le sang coula immédiatement. Les magistrats crurent y voir une révélation du ciel ; et Fanny, condamnée, fut exécutée le jour même.

On voit dans la vie de Charles le Bon, par Gualbert, que les meurtriers en Flandre, au douzième siècle, après avoir tué leur victime, mangeaient et buvaient sur le cadavre, dans la persuasion qu’ils paralysaient par cette cérémonie toute poursuite contre eux à l’occasion du meurtre. Les assassins de Charles le Bon avaient pris cette précaution ; ce qui ne les empêcha pas d’être tous mis au supplice.

Cercopes, démons méchants et impies, dont Hercule réprima les brigandages.

Cerdon, hérétique du deuxième siècle, chef des cerdoniens. Il enseignait que le monde avait été créé par le démon, et admettait deux principes égaux en puissance.

Cérès. « Qu’étaient-ce que les mystères de Cérès à Éleusis, sinon les symboles de la sorcellerie, de la magie et du sabbat ? À ces orgies, on dansait au son du clairon, comme au sabbat des sorcières ; et il s’y passait des choses abominables, qu’il était défendu aux profèsde révéler[2] ; » On voit dans Pausanias que les Arcadiens représentaient Cérès avec un corps de femme et une tête de cheval. On a donné le nom de Cérès à une planète découverte par Piazzi en 1801. Cette planète n’a encore aucune influence sur les horoscopes. Voy. Astrologie.

Cerf. L’opinion qui donne une très-longue vie à certains animaux, et principalement aux cerfs, est fort ancienne. Hésiode dit que la vie de l’homme finit à quatre-vingt-seize ans, que celle de la corneille est neuf fois plus longue, et que la vie du cerf est quatre fois plus longue que celle de la corneille. Suivant ce calcul, la vie du cerf est de trois mille quatre cent cinquante-six ans.

Pline rapporte que, cent ans après la mort d’Alexandre, on prit dans les forêts plusieurs cerfs auxquels ce prince avait attaché lui-même des colliers. On trouva, en 1037, dans la forêt de Senlis, un cerf avec un collier portant ces mots : Cæsar hoc me donavit. « C’est César qui me l’a donné ; » mais quel César ? Ces circonstances ont fortifié toutefois le conte d’Hésiode. Les cerfs ne vivent pourtant que trente-cinq à quarante ans.

  1. Madame Elise Voïart, notes au livre Ier de la Vierge d’Arduène.
  2. Leloyer, Disc. et hist. des spectres, p. 689, 768.