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réputation de sainteté vers l’an 1084. Son corps ayant été porté dans le chœur de la cathédrale, il leva la tête hors du cercueil à ces graves paroles de l’office des morts : — Répondez-moi, quelles sont mes iniquités ? Responde mihi quantas habeo iniquitates ? etc., et qu’il dit : Justo judicio Dei accusatus sum. (J’ai été cité devant le juste jugement de Dieu.) Les assistants effrayés suspendirent le service et le remirent au lendemain. En attendant, le corps du chanoine resta déposé dans une chapelle de Notre-Dame, la même qu’on appelle depuis la Chapelle du damné. Le lendemain on recommença l’office ; lorsqu’on fut au même verset, le mort parla de nouveau et dit : — Justo Dei judicio judicatus sum. (J’ai été jugé au juste jugement de Dieu.) On remit encore l’office au jour suivant, et au même verset le mort s’écria : — Justo Dei judicio condemnatus sum. (J’ai été condamné au juste jugement de Dieu.) Là-dessus, dit la chronique, on jeta le corps à la voirie ; et ce miracle effrayant fut cause, selon quelques-uns, de la retraite de saint Bruno, qui s’y trouvait présent.

Quoique cette anecdote soit contestée, elle est consacrée par des monuments. La peinture s’en est emparée, et le Sueur en a tiré parti dans sa belle galerie de Saint-Bruno.

Chapuis (Gabriel), né à Amboise en 1546. Nous citerons de ses ouvrages celui qui porte ce titre : les Mondes célestes, terrestres et infernaux, etc., tiré des Mondes de Doni ; in-8o, Lyon, 1583. C’est un ouvrage satirique.

Char de la mort. Voy. Brouette.

Charadrius, oiseau immonde que nous ne connaissons pas ; les rabbins disent qu’il est merveilleux, et que son regard guérit la jaunisse. Il faut pour cela que le malade et l’oiseau se regardent fixement ; car si l’oiseau détournait la vue, le malade mourrait aussitôt.

Charbon d’impureté, l’un des démons de la possession de Loudun. Voy. Loudun.

Charité. Les offenses à la charité sont quelquefois punies par la justice divine. On lit dans les Acta sanctorum[1] « qu’un Espagnol connu sous le nom de Michel de Fontarabie, ayant craché dans la main d’un pauvre mendiant qui lui demandait l’aumône, fut aussitôt renversé par terre, et, devenu furieux et possédé, se démena en criant que saint Yves et d’autres personnages vêtus de blanc le rouaient de coups. » — On cite beaucoup d’autres hommes durs aux pauvres qui ont été possédés des démons.

Charlatans. On attribuait souvent autrefois aux sorciers ou au diable ce qui n’était que l’ouvrage des charlatans. Si nous pensions comme au seizième siècle, tous nos escamoteurs seraient des sorciers.

Voici ce qu’on lit pourtant dans le Voyage de Schouten aux Indes orientales :

« Il y avait au Bengale un charlatan qui, en faisant plusieurs tours de souplesse, prit une canne longue de vingt pieds, au bout de laquelle était une petite planche large de trois ou quatre pouces-, il mit cette canne à sa ceinture, après quoi une fille de vingt-deux ans lui vint sauter légèrement par derrière sur les épaules, et, grimpant au haut de la canne, s’assit dessus, les jambes croisées et les bras étendus. Après cela, l’homme ayant les deux bras balancés commença à marcher à grands pas, portant toujours cette fille sur le bout de la canne, tendant le ventre pour l’appuyer, et regardant sans cesse en haut pour tenir la machine en équilibre. La fille descendit adroitement, remonta derechef et se pencha le ventre sur le bâton, en frappant des mains et des pieds les uns contre les autres. Le charlatan ayant mis alors le bâton sur sa tête, sans le tenir ni des mains ni des bras, cette même fille et une autre petite Mauresque de quinze ans montèrent dessus l’une après l’autre ; l’homme les porta ainsi autour de la place en courant et se penchant, sans qu’il leur arrivât le moindre mal. Ces deux mêmes filles marchèrent sur la corde la tête en bas, et firent une multitude d’autres tours de force très* merveilleux. Mais quoique plusieurs d’entre nous crussent que tous ces tours de souplesse fussent faits par art diabolique, il me semble qu’ils pouvaient se faire naturellement ; car ces filles, qui étaient très-adroites, subtiles, et dont les membres étaient grandement agiles, faisaient tout cela à force de s’y être accoutumées et exercées. »

Il y a eu des charlatans de toutes les espèces : en 1728, du temps de Law, un certain Villars confia à quelques amis que son oncle, qui avait vécu près de cent ans, et qui n’était mort que par accident, lui avait laissé le secret d’une eau qui pouvait aisément prolonger la vie jusqu’à cent cinquante années, pourvu qu’on fût sobre. Lorsqu’il voyait passer un enterrement, il levait les épaules de pitié, a Si le défunt, disait-il, avait bu de mon eau, il ne serait pas où il est. » Ses amis, auxquels il en donna généreusement, et qui observèrent un peu le régime prescrit, s’en trouvèrent bien et le prônèrent ; alors il vendit la bouteille six francs ; le débit en fut prodigieux. C’était de l’eau de Seine avec un peu de nitre. Ceux qui en prirent et qui s’astreignirent au régime, surtout s’ils étaient nés avec un bon tempérament, recouvrèrent en peu de jours une santé parfaite. Il disait aux autres : — C’est votre faute si vous n’êtes pas entièrement guéris. — On sut enfin que l’eau de Villars n’était que de l’eau de rivière ; on n’en voulut plus et on alla à d’autres charlatans. Mais celuilà avait fait sa fortune. Voy. Ane, Chèvre, Alexandre de Paphlagonie, etc.

Charles-Martel. On attribue à saint Eucher,

  1. 19 mai, Vie de saint Yves de Kermartin.