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sortilèges. On avait arrêté, en même temps que lui, Marie d’Aguerre et Jeanne d’Aguerre, ses petites-filles ou ses petites-nièces, avec d’autres jeunes filles et les sorcières qui les avaient menées au sabbat. Jeanne d’Aguerre exposa les turpitudes qui se commettaient dans les grossières orgies où on l’avait conduite ; elle y avait vu le diable en forme de bouc. Marie d’Aguerre déposa que le démon adoré au sabbat s’appelait Léonard, qu’elle l’avait vu en sa forme de bouc sortir du fond d’une grande cruche placée au milieu de l’assemblée, qu’il lui avait paru prodigieusement haut, et qu’à la fin du sabbat il était rentré dans sa cruche.

Deux témoins ayant affirmé qu’ils avaient vu Pierre d’Aguerre remplir au sabbat le personnage de maître des cérémonies, qu’ils avaient vu le diable lui donner un bâton doré avec lequel il rangeait, comme un maître de camp, les personnes et les choses, et qu’ils l’avaient vu à la fin de l’assemblée rendre au diable son bâton de commandement[1], le vieux coquin, qui avait bien d’autres méfaits, fut condamné à mort comme sorcier avéré. Voy. Bouc et Sabbat.

Aigle. L’aigle a toujours été un oiseau de présage chez les anciens. Valère-Maxime rapporte que la vue d’un aigle sauva la vie au roi Déjotarus, qui ne faisait rien sans consulter les oiseaux ; comme il s’y connaissait, il comprit que l’aigle qu’il voyait le détournait d’aller loger dans la maison qu’on lui avait préparée, et qui s’écroula la nuit suivante.

De profonds savants ont dit que l’aigle a des propriétés surprenantes y entre autres celle-ci, que sa cervelle desséchée, mise en poudre, imprégnée de suc de ciguë et, mangée en ragoût, rend si furieux ceux qui se sont permis ce régal, qu’ils s’arrachent les cheveux, et se déchirent jusqu’à ce qu’ils aient complètement achevé leur digestion. Le livre qui contient cette singulière recette[2] donne pour raison de ses effets que « la grande chaleur de la cervelle de l’aigle forme des illusions fantastiques en bouchant les conduits des vapeurs et en remplissant la tête de fumée ». C’est ingénieux et clair.

On donne en alchimie le nom d’aigle à différentes combinaisons savantes. L’aigle céleste est une composition de mercure réduit en essence, qui passe pour un remède universel ; l’aigle de Vénus est une composition de vert-de-gris et de sel ammoniac, qui forment un safran ; l’aigle noir est une composition de cette cadmie vénéneuse qui se nomme cobalt, et que quelques alchimistes regardent comme la matière du mercure philosophique.

Aiguilles. On pratique ainsi, dans quelques localités, une divination par les aiguilles. — On prend vingt-cinq aiguilles neuves ; on les met dans une assiette sur laquelle on verse de l’eau. Celles qui s’affourchent les unes sur les autres annoncent autant d’ennemis.

On conte qu’il est aisé, de faire merveille avec de simples aiguilles à coudre, en leur communiquant une vertu qui enchante. Kornmann écrit ceci[3] : « Quant à ce que les magiciens, et les enchanteurs font avec l’aiguille dont on a cousu le suaire d’un cadavre, aiguille au moyen de laquelle ils peuvent lier les nouveaux mariés, cela ne doit pas s’écrire, de crainte de faire naître la pensée d’un pareil expédient… »

Aiguillette. On appelle nouement de l’aiguillette un charme qui frappe tellement l’imagination de deux époux ignorants ou superstitieux, qu’il s’élève entre eux une sorte d’antipathie dont les accidents sont très-divers. Ce charme est jeté par des malveillants qui passent pour sorciers ou qui le sont. Voy. Ligatures.

Aimant (Magnes), principal producteur de la vertu magnétique ou attractive. — Il y a sur l’aimant quelques erreurs populaires qu’il est bon de passer en revue. On rapporte des choses admirables, dit le docteur Brown[4], d’un certain aimant qui n’attire pas seulement le fer, mais la chair aussi. C’est un aimant très-faible, composé surtout de terre glaise semée d’un petit nombre de lignes magnétiques et ferrées. La terre glaise qui en est la base fait qu’il s’attache aux lèvres, comme l’hématite ou la terre de Lemnos. Les médecins qui joignent cette pierre à l’aétite lui donnent mal à propos la vertu de prévenir les avortements.

On a dit de toute espèce d’aimant que l’ail peut lui enlever sa propriété attractive ; opinion certainement fausse, quoiqu’elle nous ait été transmise par Solin, Pline, Plutarque, Matthiole, etc. Toutes les expériences l’ont démentie. Un fil d’archal rougi, puis éteint dans le jus d’ail, ne laisse pas de conserver sa vertu polaire ; un morceau d’aimant enfoncé dans l’ail aura la même puissance attractive qu’auparavant ; des aiguilles laissées dans l’ail jusqu’à s’y rouiller n’en retiendront pas moins cette force d’attraction. On doit porter le même jugement de cette autre assertion, que le diamant a la vertu d’empêcher l’attraction de l’aimant, Placez un diamant (si vous en avez) entre l’aimant et l’aiguille, vous les verrez se joindre, dussent-ils passer par-dessus la pierre précieuse. Les auteurs que nous combattons ont sûrement pris pour des diamants ce qui n’en était pas.

Mettez sur la même ligne, continue Brown, cette autre merveille contée par certains rabbins, que les cadavres humains sont magnéti-

  1. Delancre, Tableau de l’inconstance des démons, etc., liv. II, discours iv.
  2. Les admirables secrets d’Albert le Grand, liv. II, ch. iii. (Livre supposé.)
  3. De mirac. mortuor., pars V, cap. xxii.
  4. Essai sur les erreurs, etc., liv. II, ch. iii.