Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ESP
ETA
— 251 —

sidérable dans un des ministères de Paris, en nous permettant, à M. des Mousseaux et à nous, de raconter les faits qui vont suivre, a bien voulu y joindre la permission de le nommer verbalement. Nous rappelant parfaitement ses expressions, nous croyons pouvoir les reproduire avec la plus grande fidélité. — Nourri, nous dit-il, ou plutôt saturé de tout le scepticisme du dix-huitième siècle, doublé au dix-neuvième de celui que je tenais de ma propre nature, j’avais et j’aurais défié tous les prédicateurs du monde de pratiquer la moindre brèche a une pareille forteresse… Mais arrivèrent les tables ; les manier, les écouter et deviner tout le mystère ne fut pas long pour moi. Vous dire quelle révolution cette conviction nouvelle opéra dans mon esprit serait une chose impossible. Dès le premier instant, j’entrevis à quelles extrémités tout cela devait infailliblement me conduire, et je ne le cachai pas à ces convertisseurs d’un nouveau genre. — Savez-vous bien, leur disais-je, que vous travaillez contre vous ? Savez-vous que vous me mènerez tout droit à confesse ? — Non, non, répondirent-ils. — Mais si, si. — Non. — Si. — Non, je t’en empêcherai bien. — Et comment pensez-vous vous y prendre ? — Tu le verras. Le fait est que je remportai la victoire et que j’allai tout droit à ce qui les révoltait tant. Mais à partir de ce moment, leur vengeance fut atroce : je devins leur table à mon tour ; ils s’emparèrent de moi et l’identification fut complète. Je ne pensais plus par moi-même ; ce n’était plus moi qui parlais ; je souffrais tous les tourments de l’enfer et littéralement j’étais fou ou plutôt possédé. Mon désespoir était extrême, et je ne sais ce que tout cela fût devenu, sans la grande et prudente vertu du directeur que je m’étais donné. Grâce à lui, à la paix, à l’obéissance, au redoublement de prière et de confiance dans lesquels il avait su me maintenir, la possession disparut, et le dernier de ces cruels hôtes me quitta en me disant : — Adieu, tu l’emportes, mais nous te retrouverons sur ton lit et à l’heure de la mort ; c’est là que nous sommes tout-puissants. Depuis lors, messieurs, je me regarde comme sauvé, et suis le plus heureux des hommes. Néanmoins, un jour, je voulus encore essayer de tirer d’eux quelques vérités et peut-être quelque bien. — Donnez-nous, leur disais-je, quelque idée de la bonté divine. — Comment le voudrais-tu, puisqu’elle est infinie ? — Elle est infinie, et cependant tu souffres, malheureux ! — Cruellement… — Et toujours ? — Toujours… — Mais, misérable comme tu parais l’être, et Dieu étant bon comme tu le dis, si tu essayais de le fléchir !… Qui sait ? — Tu demandes encore là une chose absolument impossible. — Et pourquoi ? — Il ne saurait me pardonner, puisque je ne le veux pas ? — Et s’il te proposait l’anéantissement complet, accepterais-tu ? Après quelque hésitation, l’un des esprits répond : — Oui, parce que l’être est le seul bien que je tienne encore de lui, et qu’alors, ne lui devant plus rien, je serais quitte envers lui. Quant à l’autre : — Non, je n’accepterais pas, dit-il, parce que je n’aurais plus la consolation de le haïr. — Tu hais donc bien !… — Si je hais ! Mais mon nom est : la haine. Je hais tout ; je me hais moi-même… Quant à l’authenticité du récit, nous ferons remarquer pour la dernière fois que la permission de nommer équivaut à l’acte de signer. »

Ce qui doit sembler prodigieux à tout esprit qui n’est pas détraqué, c’est que les pays protestants voient s’élever dans leur sein le culte des esprits à la hauteur d’une religion. Les démons, qui ont déjà des temples à Genève, à New-York et ailleurs, se flatte sans doute de ramener le paganisme au sein des sociétés que les philosophes ont égarées. C’est du reste la fin et la clôture de toutes les époques de philosophie.

Citons encore un petit trait fort original, rapporté dans le journal français de New-York :

« Un jeune homme, fiancé à une jeune fille de Bordentown, où il demeurait, mourut vendredi dernier. Les deux promis et leurs familles étaient les uns et les autres de fermes croyants dans l’existence et les manifestations des esprits, ce qui leur suggéra l’idée la plus bizarre dont on ait entendu parler. Il fut résolu d’un commun accord que le mariage ne serait pas suspendu par la mort du futur, mais que son esprit, dégagé de l’enveloppe terrestre, serait néanmoins uni à l’esprit incarné dans le corps de la fiancée.

» Dimanche, en effet, la cérémonie a été célébrée entre la jeune fille, pleine de vie et de jeunesse, et le cadavre inanimé de son adorateur, dont l’esprit avait guidé ces absurdes prescriptions.

» Heureusement cette mêmerie impie ne saurait avoir d’effet qu’autant que la survivante le trouvera bon, car il n’est pas de loi au monde qui reconnaisse un pareil mariage. Lors donc que la première exaltation sera calmée, elle sera libre encore de reconnaître efficacement que, si l’union des esprits a quelque chose de séduisant, c’est surtout lorsqu’ils ont des corps animés pour leur servir d’intermédiaires. » Voy. Drépano, Hudemullen, Spiritisme, Tables tournantes, Wesley, Bortisme, etc.

Esséniens, secte célèbre parmi les Juifs. Les Esséniens avaient des superstitions particulières. Leurs devins prétendaient connaître l’avenir par l’étude des livres saints faite avec certaines préparations. Ils y trouvaient même la médecine et toutes les sciences, par des combinaisons cabalistiques.

Esterelle, fée. Voy. Fées.

Étang de la vie. Au sortir du pont où se fait la séparation des élus et des réprouvés, les docteurs persans font descendre les bienheureux dans cet étang dont les eaux sont blanches et