Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/297

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
FRO
FUM
— 289 —

Si ces lignes sont au nombre de quatre et qu’elles se recourbent deux à deux sur le front, on peut craindre d’être un jour prisonnier de guerre et de gémir captif sur un sol étranger… Les figures rondes sur la ligne de la Lune annoncent des maladies aux yeux. Si vous avez dans la partie droite du front, sur la ligne de Mars, quelque figure qui ressemble à un Y, vous aurez des rhumatismes. Si cette figure est au milieu du front, craignez la goutte. Si elle est à gauche, toujours sur la ligne de Mars, vous pourrez bien mourir d’une goutte remontée. La figure du chiffre 3 sur la ligne de Saturne annonce des coups de bâton ; sur la ligne de Jupiter, un emploi lucratif ; sur la ligne de Mars, commandement d’un corps d’armée dans une bataille, mais le commandant sera fait prisonnier dans le combat. Sur la ligne du Soleil, ce signe annonce quelque accident qui vous fera perdre le tiers de votre fortune. Sur la ride de Vénus, disgrâces dans le ménage. Sur la ligne de Mercure, elle fait un avocat. Enfin, sur la ligne de la Lune, la figure du chiffre 3 annonce à celui qui la porte qu’il mourra malheureusement, s’il ne réprime sa passion pour le vol. La figure d’un V sur la ligne de Mars annonce qu’on sera soldat et qu’on mourra caporal. La figure d’un H sur la ligne du Soleil ou sur celle de Saturne est le présage qu’on sera persécuté pour des opinions politiques. La figure d’un P est le signe, partout où elle paraît, d’un penchant à la gourmandise qui pourra faire faire de grandes fautes. Nous terminerons ce petit traité par la révélation du signe le plus flatteur : c’est celui qui a une ressemblance plus ou moins marquée avec la lettre M. En quelque partie du front, sur quelque ride que cette figure paraisse, elle annonce le bonheur, les talents, une conscience calme, la paix du cœur, une heureuse aisance, l’estime générale et une bonne mort. Toutes bénédictions que je vous souhaite.

Frothon. On lit dans Albert Krantz que Frothon, roi de Danemark, fut tué par une sorcière transformée en vache. Ce roi croyait à la magie et entretenait à sa cour une insigne sorcière qui prenait à son gré la forme des animaux. Elle avait un fils aussi méchant qu’elle, avec qui elle déroba les trésors du roi, et se retira ensuite. Frothon, s’étant aperçu du larcin et ayant appris que la sorcière et son fils s’étaient absentés, ne douta plus qu’ils n’en fussent coupables. Il résolut d’aller dans la maison de la vieille. La sorcière, voyant entrer le roi chez elle, eut recours aussitôt à son art, se changea en vache et son fils en bœuf. Le roi s’étant baissé pour contempler la vache plus à son aise, pensant bien que c’était la sorcière, la vache se rua avec impétuosité sur lui et lui donna un si grand coup dans les flancs qu’elle le tua sur-le-champ[1].

Fruit défendu. Voy. Tabac, Pomme d’Adam, etc.

Fruitier. Celui qui fait le fromage et le beurre dans le Jura est le docteur du canton. On l’appelle le fruitier ; il est sorcier, comme de juste. La richesse publique est dans ses mains ; il peut à volonté faire avorter les fromages, et en accuser les éléments. Son autorité suffit pour ouvrir ou fermer en ce pays les sources du Pactole ; on sent quelle considération ce pouvoir doit lui donner, et quels ménagements on a pour lui ! Si vous ajoutez à cela qu’il est nourri dans l’abondance, et qu’une moitié du jour il n’a rien à faire qu’à songer au moyen d’accaparer encore plus de confiance ; qu’il voit tour à tour, en particulier, les personnes de chaque maison, qui viennent faire le beurre à la fruiterie ; qu’il passe avec elles une matinée tout entière ; qu’il peut les faire jaser sans peine, et par elles apprendre, sans même qu’elles s’en doutent, les plus intimes secrets de leurs familles ou de leurs voisins ; si vous pesez bien toutes ces circonstances, vous ne serez point étonné d’apprendre qu’il est presque toujours sorcier, au moins devin ; qu’il est consulté quand on a perdu quelque chose, qu’il prédit l’avenir, qu’il jouit enfin dans le canton d’un crédit très-grand, et que c’est l’homme qu’on appréhende le plus d’offenser[2].

Fume-Bouche, démon invoqué, nous ne savons à quel titre, dans les litanies du sabbat.

Fumée. Dans toutes les communes du Finistère, on voit à chaque pas, dit Cambry, des usages antérieurs à la religion catholique. Quand un individu va cesser d’être, on consulte la fumée. S’élève-t-elle avec facilité, le mourant doit habiter la demeure des bienheureux. Est-elle épaisse, il doit descendre dans les antres du désespoir, dans les cavernes de l’enfer. — C’est une espèce de proverbe en Angleterre que la fumée s’adresse toujours à la plus belle personne. Et quoique cette opinion ne semble avoir aucun fondement dans la nature, elle est pourtant fort ancienne. Victorin et Casaubon en ont fait la remarque, à l’occasion d’un personnage d’Athénée, où un parasite se dépeint ainsi : — « Je suis toujours le premier arrivé aux bonnes tables, d’où quelques-uns se sont avisés de m’appeler soupe. Il n’y a point de porte que je n’ouvre comme un bélier ; semblable à un fouet, je m’attache à tout, et, comme la fumée, je me lie toujours à la plus belle[3]. » On dit en Champagne que la fumée du foyer, quand elle s’échappe, s’adresse aux plus gourmands.

Fumée (Martin), sieur de Génillé ; il a publié, comme traduit d’Athénagore, un roman dont il est l’auteur, intitulé Du vrai et parfait amour. Tout insipide qu’est ce roman, Fumée trouva le

  1. Leloyer, Des spectres, etc., p. 142.
  2. Lequinio, Voyage dans le Jura, t. II, p. 366.
  3. Thomas Brown, Essai sur les erreurs, etc., ch. xxii, p. 80.