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hautain seigneur, qui hait les hommes, donne toute son affection à l’animal, compagnon de ses courses vagabondes par les forêts et les campagnes. Mais il a disparu le beau lévrier, l’ami constant du seigneur. Le front assombri, le regard menaçant, environné des vassaux qui le redoutent, Kojozed revient de la chasse. Il veut qu’on retrouve son chien ; sa menace épouvante ceux qui l’entourent. Vingt chasseurs s’élancent et battent les bois du voisinage. Mais le lévrier ne revient pas. Une femme, accablée par l’âge, hideuse comme la mort, arrête la bride du cheval de Kojozed. — Que veux-tu ? dit le seigneur. — Te rendre l’ami que tu as perdu. — Où est-il ? — Seule je le sais ; il va dépasser les frontières de la Bohême. — Vieille, comment le sais-tu ? — Je suis vieille, mais puissante. Regarde-moi. » La vieille se redressa, l’œil étincelant de sombres feux ; une clarté sinistre brillait sur sa tête ; le cheval, averti par son instinct, hennissait et voulait fuir : le seigneur de Kojozed reconnut la sorcière.

« Si tu me donnes Jean le Chasseur, ton vassal, je te rendrai ton lévrier. Tu sais que la magicienne ne peut recouvrer sa jeunesse perdue qu’en baignant ses membres flétris dans le sang d’un jeune homme.

— Que cela soit ! » répondit Kojozed.

Jean frémit et tomba aux genoux de son maître :

« Mes pères, s’écrie-t-il, ont servi vos pères pendant deux cents ans ; ma mère vous a nourri de son lait, et vous voulez me donner la mort ! Oh ! ne donnez pas le sang de Jean le Chasseur pour un lévrier ! »

Mais il prie en vain : le pacte s’accomplit. Quand la sorcière ramènera le lévrier à son maître, elle emmènera le jeune homme. Elle témoigne de sa joie par un affreux sourire, et bientôt elle revient tenant en laisse le chien favori. Jean le Chasseur est livré comme payement de la dette contractée par son seigneur, et bientôt, parmi les rites magiques, le sang du vassal coule dans une urne d’airain, et la sorcière se plonge dans ce bain effroyable. La noire caverne retentit des derniers soupirs de Jean et des accents de joie de la magicienne, qui a retrouvé les forces et les grâces de la jeunesse.

Tout était fini : Jean le Chasseur venait d’expirer, quand le lévrier chéri, auquel Kojozed avait sacrifié son serviteur, mourut sous les yeux de son maître[1].

Kolfi. C’est aussi sous ce nom qu’on désigne les kobolds.

Koran, livre et code des musulmans écrit par Mahomet, plein de fables, de singularités et de prodiges. Voyez Maoridath.

Kornmann (Henri), jurisconsulte allemand, mort en 1620. Il a laissé un livre curieux intitulé De miraculis mortuorum, imprimé in-8o l’année de sa mort et devenu très-rare.

Kosaks. Les Kosaks, ainsi que les Kalmouks de leur voisinage, ne sont généralement ni chrétiens ni musulmans. Ils ont tiré de l’Asie une cosmogonie où se retrouvent, comme partout, quelques souvenirs de l’Ancien Testament, enfouis sous des monceaux de folles croyances. De leurs bourkans ou dieux, celui qui protège spécialement la terre est un éléphant blanc comme la neige, long de deux lieues, riche de trente-trois têtes rouges, chacune desquelles se joue de six trompes qui lancent six fontaines. Ce dieu principal est peut-être unique dans les mythologies.

Mais les Kalmouks content, ainsi que quelques hordes de Kosaks, que les hommes, au commencement, vivaient plusieurs siècles ; qu’ils étaient heureux ; que l’un d’eux mangea d’un fruit qu’il n’était pas permis de manger, que tous les autres l’imitèrent et qu’alors l’espèce humaine perdit sa sainteté et le privilège qu’elle avait de prendre son vol et d’aller dans les deux ; qu’elle vécut longuement dans les ténèbres et dans la misère ; que la terre, maudite à cause de leur péché, devint stérile, etc. Ils attendent un réparateur et croient à un enfer où les méchants souffriront deux cents millions d’années.

Kotter, visionnaire. Voy. Comenius.

Koughas, démons ou esprits malfaisants, redoutés des Aléotes, insulaires voisins du Kamtschatka. Ils attribuent leur état d’asservissement et leur détresse à la supériorité des koughas russes sur les leurs ; ils s’imaginent aussi que les étrangers, qui paraissent curieux de voir leurs cérémonies, n’ont d’autre intention que d’insulter à leurs koughas, et de les engager à retirer leur protection aux gens du pays.

Koupaïs. Ce sont les dieux des Tartares de l’Altaï. Ils sont sept et peu puissants ; ils laissent faire.

Kourrigans, lutins redoutés qui se promènent à cheval sur des juments blanches dans les forêts de la Bretagne.

Kraken. « C’est une tradition répandue dans les mers du Nord et sur les côtes de Norvège qu’on voit souvent des îles flottantes surgir au sein des vagues avec des arbres tout formés, aux rameaux desquels pendent des coquillages au lieu de feuilles, mais qui disparaissent au bout de quelques heures. Deber y fait allusion dans son livre intitulé Feroa reserata, et Harpelius dans son Mundus mirabilis, Torfœus dans son Histoire de la Norvège. Les gens du peuple et les matelots regardent ces îles comme les habitations sous-marines d’esprits malins, qui ne les font ainsi surnager que pour railler les navigateurs, confondre leurs calculs et multiplier les embarras de leur voyage. Le géographe Burœus avait placé sur sa carte une de ces îles merveilleuses

  1. Légende de Snaider, poëte bohème, publiée avec plus d’étendue par le Dimanche des familles.