Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/583

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
RÉM
RÉS
— 575 —
noncent les enfants de la duchesse au milieu de leurs jeux ; elles sont encore répétées par les petits garçons dans la haute Lusace. La scène de l’assassinat des enfants est aussi touchante que celle où Shakspeare montre le jeune Arthur priant Hubert de ne pas crever ses petits yeux.

» Le garçon promet au meurtrier son duché s’il veut lui laisser la vie. La petite fille lui offre toutes ses poupées, et enfin son oiseau favori. Il refuse. L’oiseau, devenu le persécuteur du meurtrier, le suit partout, en lui répétant le nom de l’enfant qu’il a égorgée, a Mon Dieu ! mon Dieu ! s’écrie-t-il, où fuirai-je cet oiseau qui me poursuit de tous côtés ? Il ne cesse de me redire le nom de cette enfant ! Ô mon Dieu ! où aller mourir ? »

» Dans son désespoir, il se brise le crâne, et les deux enfants tués, dit la ballade, restent dans leurs cercueils de marbre, sans que la corruption défigure leurs petits corps innocents, dont la pureté défie la mort. »

L’auteur de la ballade allemande n’a pas achevé le récit. Le duc égoïste et la duchesse dénaturée voyaient partout devant eux leurs deux petites victimes. Ils se noyèrent tous deux dans l’Orla, après quelques années d’une vie misérable, croyant éviter les deux spectres…

Rémore, poisson sur lequel on a fait bien des contes. « Les rémores, dit Cyrano de Bergerac, qui était un plaisant, habitent vers l’extrémité du pôle, au plus profond de la mer Glaciale ; et c’est la froideur évaporée de ces poissons, à travers leurs écailles, qui fait geler en ces quartiers-là l’eau de la mer, quoique salée. La rémore contient si éminemment tous les principes de la froidure, que, passant par-dessous un vaisseau, le vaisseau se trouve saisi de froid, en sorte qu’il en demeure tout engourdi jusqu’à ne pouvoir démarrer de sa place. La rémore répand autour d’elle tous les frissons de l’hiver. Sa sueur forme un verglas glissant. C’est un préservatif contre la brûlure… » Rien n’est plus singulier, dit le P. Lebrun, que ce qu’on raconte de la rémore. Aristote, Ælien, Pline, assurent qu’elle arrête tout court un vaisseau voguant à pleines voiles. Mais ce fait est absurde et n’a jamais eu lieu ; cependant plusieurs auteurs l’ont soutenu, et ont donné pour cause de cette merveille une qualité occuhe. Ce poisson, qu’on nomme à présent succet, est grand de deux ou trois pieds. Sa peau est gluante et visqueuse. Il s’attache et se colle aux requins, aux chiens de mer ; il s’attache aussi aux corps inanimés ; de sorte que, s’il s’en trouve un grand nombre collés à un navire, ils peuvent bien l’empêcher de couler légèrement sur les eaux, mais non l’arrêter.

Rémures. Voy. Lémures et Manes.

Renards. Les sintoïstes, secte du Japon, ne reconnaissent d’autres diables que les âmes des méchants qu’ils logent dans le corps des renards, animaux qui font beaucoup de ravages en ce pays. Voy. Lune et Ma.

 
Renard
Renard
 

Réparé, homme qui, avec un soldat nommé Étienne, eut une vision du purgatoire, de l’enfer et du paradis, vers le douzième siècle.

Repas du mort, cérémonie funéraire en usage chez les anciens Hébreux et chez d’autres peuples. Dans l’origine, c’était simplement la coutume de faire un repas sur le tombeau de celui qu’on venait d’inhumer. Plus tard on y laissa des vivres, dans l’opinion que les morts venaient les manger.

Repas du sabbat. D’après les relations des doctes, les festins du sabbat s’ouvrent par cette formule : « Au nom de Belzébuth, notre grand maître, souverain commandeur et seigneur, nos viandes, boire et manger, soient garnis et munis pour nos réfections, plaisirs et voluptés. » Sur quoi tous crient en chœur : Ainsi soit-il. Après le repas, on dit : « De notre réfection salutaire, prise et rendue, notre commandeur, seigneur et maître Belzébuth soit loué, gracié et remercié, à son exaltation et commun bien. Ainsi soit-il[1]. » Voy. Psellus.

Résurrection. Les Parsis ou Guèbres pensent que les gens de bien, après avoir joui des délices de l’autre monde pendant un certain nombre de siècles, rentreront dans leurs corps et reviendront habiter la même terre où ils avaient fait leur séjour pendant leur première vie ; mais cette terre, purifiée et embellie, sera pour eux un nouveau paradis. Les habitants du royaume d’Ardra, sur la côte occidentale d’Afrique, s’imaginent que ceux qui sont tués à la guerre sortent de leurs tombeaux au bout de quelques jours et reprennent une vie nouvelle. Cette opinion est une invention de la politique pour animer le courage des soldats. Les amantas, docteurs et philosophes du pays, croyaient la résurrection universelle, sans pourtant que leur esprit s’élevât plus haut que cette vie animale pour laquelle ils disaient

  1. Görres, Mystique, liv. VIII, ch. xxi.