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moyen âge devait être un souvenir du mammouth. Le savant russe ne peut guère fonder cette singulière interprétation que sur les versions latines du roman d’Alexandre, dont monsignor Mai a publié un texte en 1818, sous le nom de Julius Valérius. Il est dit que l’odontotyrannus foula aux pieds (conculcavit) un certain nombre de soldats macédoniens. Le même récit se trouve dans une prétendue lettre d’Alexandre à Aristote, et dans un petit Traité des monstres et des bêtes extraordinaires, récemment publié. Mais dans les auteurs grecs que je viens d’indiquer, c’est-à-dire les divers textes grecs inédits du Pseudo-Callis-thène et Palladius, Cédrénus, Glycas, Hamarto-lus, on n’ajoute aucun détail figuratif à l’expression d’une grandeur énorme et d’une nature amphibie.

» Pour la qualité d’amphibie, qui n’appartient certainement pas au mammouth, peut-elle s’appliquer au grand serpent de mer ? Sir Everard Home, en proposant de placer parmi les squales celui qui avait échoué sur la place de Stronza, a prouvé par là qu’il le regardait comme un véritable poisson. Mais si l’on en fait un reptile, on lui supposera par cela même une nature amphibie, avec la faculté de rester indéfiniment dans l’eau, et l’on pourra en même temps rapporter au même animal les exemples de serpents énormes vus sur terre et consignés de loin en loin dans la mémoire des hommes. Le serpent de mer dont Olaüs Magnus a conservé une description était, au rapport du même prélat, un serpent amphibie qui vivait de son temps dans les rochers aux environs de Bergen, dévorait les bestiaux du voisinage et se nourrissait aussi de crabes. Un siècle plus tard, Nicolas Grammius, ministre de l’Évangile à Londen en Norvège, citait un gros serpent d’eau qui des rivières Mios et Banz, s’était rendu à la mer le 6 janvier 1656. « On le vit s’avancer tel qu’un long mât de navire, renversant tout sur son passage, même les arbres et les cabanes. Ses sifflements, ou plutôt ses hurlements, faisaient frissonner tous ceux qui les entendaient. Sa tête était aussi grosse qu’un tonneau, et son corps, taillé en proportion, s’élevait au-dessus des ondes à une hauteur considérable. »

 
 

» En des temps plus anciens, nous citerons le serpent de l’île de Rhodes, dont triompha au quatorzième siècle le chevalier Gozon, qui, par suite de cet exploit, trop légèrement traité de fable, devint grand maître de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem ; au seizième siècle, celui que Grégoire de Tours rapporte avoir été vu à Rome dans une inondation du Tibre, et qu’il représente grand comme une forte poutre : in modum trahis validæ. Le mot draco, dont se sert là notre vieil historien, est le terme de la bonne latinité, où il signifie seulement un grand serpent. Dans l’antiquité proprement dite, Suétone nous apprend qu’Auguste publia aux comices, c’est-à-dire an-