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les visionnaires n’étendirent leurs accusations que sur les gens mal famés ou qui ne tenaient qu’aux rangs inférieurs de la communauté. Bientôt cependant, perdant toute retenue, ils ne craignirent pas de portèr leurs accusations de sorcellerie sur quelques personnes appartenant aux premières familles et du caractère le moins suspect. Dès lors tout changea de face. Les principaux habitants reconnurent combien il serait imprudent de mettre leur honneur et leur vie à la merci de si misérables accusateurs. De cinquante-six actes d’accusation qui furent soumis au grand jury le 3 janvier 1693, on n’en trouva que vingt-six qui eussent quelque fondement, et on en écarta trente. Sur les vingt-six accusations auxquelles on donna suite, on ne trouva que trois coupables, et le gouvernement leur fit grâce. On ouvrit les prisons : deux cent cinquante personnes, tant de celles qui avaient fait des aveux que de celles qui étaient simplement accusées, furent mises en liberté, et on n’entendit plus parler d’accusations de ce genre. Les affligés, c’est ainsi qu’on nommait les visionnaires, furent rendus à la santé. Les apparitions de spectres disparurent complètement, et l’on ne s’étonna plus que d’une chose, ce fut d’avoir été victime d’une si horrible illusion. — Ces phénomènes de démence infernale en pays hostile à l’Église demanderaient une étude.

Sort. On appelle sort ou sortilège certaines paroles, caractères, drogues, etc., par lesquels les esprits crédules s’imaginent qu’on peut produire des effets extraordinaires, en vertu d’un pacte supposé fait avec le diable : ce qu’ils appellent jeter un sort. La superstition populaire attribuait surtout cette faculté nuisible aux bergers ; et cette opinion était sinon fondée, au moins excusée par la solitude et l’inaction où vivent ces sortes de gens. Voy. Maléfices, Charmes, Scopélisme, etc.

Les hommes ont de tout temps consulté le sort ou, si l’on veut, le hasard. Cet usage n’a rien de ridicule lorsqu’il s’agit de déterminer un partage, de fixer un choix douteux, etc. Mais les anciens consultaient le sort comme un oracle, et quelques modernes se sont montrés aussi insensés. Toutes les divinations donnent les prétendus moyens de consulter le sort.

Sortilèges. Voy. Sort.

Sotray, nom que les Solognots et les Poitevins donnent à un lutin qui tresse les crinières des chevaux.

Souad, goutte noire, germe de péché, inhérente depuis la chute originelle au cœur de l’homme, selon les musulmans, et dont Mahomet se vantait d’avoir été délivré par l’ange Gabriel, il dit aussi, dans le Koran, que Jésus et Marie sont les seuls êtres humains qui n’aient pas eu le Souad.

Sougai-Toyon, dieu du tonnerre chez les Yakouts ; il est mis par eux au rang des esprits malfaisants. C’est le ministre des vengeances d’Oulon-Toyon, chef des esprits.

Soulié (Frédéric). Dans les Mémoires du Diable, l’auteur a déployé un très-beau talent à faire malheureusement un mauvais livre en morale.

Souris. Le cri d’une souris était chez les anciens de si mauvais augure qu’il rompait les auspices. Voy. Rats.

 
Souris
Souris
 

Dans plusieurs contrées, les laboureurs cherchent à préserver leurs granges des souris par un procédé superstitieux que voici :

Ils prennent quatre œufs, qui doivent avoir été pondus le vendredi saint ; ils les placent aux quatre coins de la grange et aspergent ces quatre coins d’eau bénite du samedi saint et du samedi veille de la Pentecôte. Après cela, ils mettent en croix les deux premières gerbes de la moisson qui rentre et font le tas avec croyance que les souris ne pourront manger que ces deux gerbes mises en croix.

Souterrains (démons), démons dont parle Psellus, qui, du vent de leur haleine, rendent aux hommes le visage bouffi, de manière qu’ils sont méconnaissables.

« En Norvège, comme dans d’autres pays, on croit à des génies qui habitent sous terre. Voici, dit un écrivain anglais, ce qui me fut raconté très-sérieusement sur ces êtres surnaturels par la maîtresse de la maison où je logeais : « J’avais, me dit-elle, un oncle que l’on destinait à la profession des armes. Un jour, dans sa jeunesse, allant aux champs avec son père, il laissa tomber un couteau avant de sortir du logis, et, malgré les recherches les plus exactes, il ne put le retrouver. Peu de temps après, il partit pour les pays étrangers. Au bout de quinze ans, il revint en Norvège. Un soir qu’il se rapprochait de chez lui, se trouvant encore à dix lieues de la maison de son père, il se sentit fatigué, et entra dans une cabane peu éloignée du chemin, qui, en cet endroit, traversait une forêt. Il n’y avait dans l’habitation qu’une vieille femme, qui l’accueillit bien ; il était assis depuis peu d’instants lorsqu’il aperçut sur la table un couteau absolument semblable à celui qu’il avait perdu quinze ans auparavant. Il raconta le fait à la vieille et lui dit : « Si cette maison n’était pas aussi éloignée de la mienne, je croirais que ce couteau est le mien. — En effet, repartit la vieille, c’est lui : lorsque vous l’avez laissé tomber, il coupa la jambe de ma fille, qui, dans ce moment, sous la forme d’une taupe, courait sous la terre ; je vous em-