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ces météores ne sont pas des présages de malheurs, et combat les idées superstitieuses que le peuple attache à leur apparition. Cet ouvrage fut reçu sans opposition. Il n’en fut pas de même de son livre De Belooverde wereld (Le monde ensorcelé), imprimé plusieurs fois, et traduit en français sous ce titre : « Le monde enchanté, ou examen des communs sentiments touchant les esprits, leur nature, leur pouvoir, leur administration et leurs opérations, et touchant les effets que les hommes sont capables de produire par leur communication et leur vertu ; divisé en quatre livres ; » 4 forts volumes petit in-12, avec le portrait de l’auteur[1], Amsterdam, 1694.

L’auteur, dans cet ouvrage, qui lui fit perdre sa place de ministre[2], cherche à prouver qu’il n’y a jamais eu ni possédés ni sorciers ; que tout ce qu’on dit des esprits malins n’est que superstition, etc. Un peu plus tard pourtant, dans une défense de ses opinions, il admit l’existence du diable ; mais il ajouta qu’il le croyait enchaîné dans les enfers et hors d’état de nuire.

Il ne fallait pas, pour des calvinistes qui se disent si tolérants et qui le sont si peu, poursuivre si sérieusement un livre que sa prolixité seule devait rendre invisible. « Il y a grande apparence, dit encore Voltaire, qu’on ne le condamna que par le dépit d’avoir perdu son temps à le lire. » Voy. Chassen.

Bel, divinité suprême des Chaldéens. Wiérus dit que c’est un vieux démon dont la voix sonne le creux[3]. Les peuples qui en firent un dieu contaient qu’au commencement le monde n’était qu’un chaos habité par des monstres ; que Bel les tua, arrangea l’univers, se fit couper la tête par un de ses serviteurs, détrempa la terre avec son sang et en forma les animaux et les hommes.

Belaam, démon dont on ne sait rien, sinon qu’en 1632 il entra dans le corps d’une des possédées de Loudun, avec Isaacarum et Béhémoth : on le força de déloger[4].

Belbach ou Belbog, le dieu blanc des vieux Slavons. Voy. Belzébuth.

Belephantes, astrologue chaldéen qui prédit

à Alexandre, selon Diodore de Sicile, que son entrée à Babylone lui serait funeste : ce qui advint, comme chacun sait.

Belette. Les anciens croyaient que la belette faisait ses petits par la gueule, parce qu’elle les porte souvent entre ses lèvres, comme font les chattes. — Plutarque remarque que les Thébains honoraient la belette, tandis que les autres Grecs regardaient sa rencontre comme un présage funeste.

On prétend que sa cendre, appliquée en cataplasme, guérit les migraines et les cataractes ; et le livre des Admirables secrets d’Albert le Grand assure que si on fait manger à un chien le cœur et la langue d’une belette, il perdra incontinent la voix. Il ajoute imprudemment un secret qu’il dit éprouvé, et qu’il certifie infaillible : c’est qu’un amateur n’a qu’à manger le cœur d’une belette encore palpitant pour prédire les choses à venir[5]

Bélial, démon adoré des Sidoniens. L’enfer n’a pas reçu d’esprit plus dissolu, plus crapuleux, plus épris du vice pour le vice même. Si son âme est hideuse et vile, son extérieur est séduisant. Il a le maintien plein de grâce et de dignité. Il eut un culte à Sodome et dans d’autres villes ; mais jamais on n’osa trop lui ériger des autels. Delancre dit que son nom signifie rebelle ou désobéissant. — Wiérus, dans son inventaire de la monarchie de Satan, lui consacre un grand article. « On croit, dit-il, que Bélial, l’un des rois de l’enfer, a été créé immédiatement après Lucifer, et qu’il entraîna la plupart des anges dans la révolte : aussi il fut renversé du ciel un des premiers. Lorsqu’on l’évoque, on l’oblige par des offrandes à répondre avec sincérité aux questions qu’on lui fait. Mais il conte bien vite des mensonges, si on ne l’adjure pas, au nom de Dieu, de ne dire que la vérité. Il se montre quelquefois sous la figure d’un ange plein de beauté,

  1. Bekker était si laid que la Monnoye fit sur lui cette épigramme :

    Oui, par toi, de Satan la puissance est bridée ;
    Mais tu n’as cependant pas encore assez fait :
    Pour nous ôter du diable entièrement l’idée,
    Bekker, supprime ton portrait.

  2. Pendant que les ministres d’Amsterdam prenaient le parti du diable, un ami de l’auteur le défendit dans un ouvrage intitulé Le diable triomphant, parlant sur le mont Parnasse ; mais le synode qui avait déposé Bekker ne révoqua pas sa sentence. On écrivit contre lui une multitude de libelles. Benjamin Binet l’a réfuté dans un volume intitulé Traité historique des dieux du paganisme, avec des remarques critiques sur le système de Balthasar Bekker, Delft, 1696, in-12. Ce volume se joint ordinairement aux quatre de Bekker ; il a aussi été imprimé sous le titre d’Idée générale de la théologie païenne, servant de réfutation au système de Balthasar Bekker, etc. Amsterdam et Trévoux, 1699. Les autres réfutations du Monde enchanté sont : Melchioris Leydekkeri dissertalio de vulgato nuper Bekkeri volumine, etc. In— 8°. Ultrajecti, 1693. Brevis meditalio academica de spirituum actionibus in homines spiritualibus, cujus doctrinœ usus contra Bekkerum et alios fanaticos exhibetur aJ. Zipellio, In-8°. Francofurti, 1701, etc.
  3. De prœstigiis dœmon., lib. I, cap. v.
  4. Histoire des diables de Loudun.
  5. Les admirables secrets d’Albert le Grand, liv. II.