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Page:Jacques Roux à Marat.djvu/4

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cuteurs et mes bourreaux, s’ils étoient dans la peine : et pour récompense de mon dévouement à ta personne, Marat, tu eus la bassesse de laisser sur ma cheminée quinze livres en assignats, comme s’il y avoit eu d’autre domestique que moi, pour te servir, comme si je n’avois pas été assez dédommagé par le plaisir de t’être utile. Au reste tu sais avec quelle indignation je repoussai cette somme, et j’en aurois fait autant quand tu m’aurois offert cent mille écus, parce que je crus servir la chose publique en te logeant chez moi… eh bien ! Marat, pour le prix de ma vertu, tu as abusé de l’hospitalité, non pour dire des vérités, mais des impostures.

Il est faux que je t’aie parlé de religion, que je t’aie dit qu’elle étoit un tissu de mensonges : tu ne fis que m’entretenir de tes ouvrages, de tes talens, de tes malheurs, des services que tu avois rendu à la révolution, du voyage que tu te proposois de faire en Angleterre… Je ne révélerai pas ici les secrets que tu m’as confié, parce qu’il n’appartient qu’à une ame basse et vénale de divulguer les propos que des amis tiennent dans l’effusion du cœur ; je dirai seulement qu’en parlant de l’abbé Fauchet, je te déclarai qu’il étoit un hypocrite et un royaliste ; et bien loin d’avoir dit qu’à son exemple mon patriotisme pourroit me valoir un évêché, je te donnai à entendre que je voulois quitter mon état, me marier, monter une imprimerie, et rédiger un journal.

Sois conséquent avec toi-même, Marat : tu ne feras jamais croire à personne que j’aie été assez sot pour t’avouer que je n’étois patriote que de circonstance. Si j’avois été assez imbécile pour tenir ce langage,