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de son âge, étaient en harmonie avec son air pur et virginal, ses yeux à fleur de tête, sa figure douce, languissante et inspirée à la fois[1]. »

À dix-huit ans, elle fut mariée à un méridional, imprimeur habile et homme instruit, qui l’emmena dans son pays, à Perpignan. Si près du théâtre des jeux Floraux, Mme Tastu céda sans peine à la tentation de s’y produire. Quelques compositions où son jeune ta lent prenait l’essor (l’Étoile de la lyre, la Veille de Noël, le Dernier Jour de l’année) y remportèrent les plus belles couronnes. Mais, en dehors de ces concours poétiques, ce fut la pièce intitulée les Oiseaux du sacre (1825), qui mit son nom tout à fait en vue. Ce n’était pas un officiel et banal hosannah de plus, chanté à l’occasion de l’an tique cérémonie ressuscitée à Reims. À des plaintes sur le sort des oiseaux que, suivant un vieil usage, on avait lâchés en foule sous les voûtes de la cathédrale, et qui étaient venus se brûler aux flambeaux de l’autel[2], se mêlaient, dans ce chant, de libres réflexions sur l’inutilité d’un symbole suranné et menteur, et de généreuses réclamations en faveur d’autres captifs. Le succès en fut très vif, surtout au sein de la France libérale. Trois ans après, Mme Tastu fit paraître tout un recueil d’élégies dont les éditions, sorties de l’imprimerie de son mari, alors transportée de Perpignan à Paris, s’écoulèrent rapidement. Grande fut la popularité de ces chants, où cependant ne s’exhalaient que les tristesses de l’âme les plus avouables et des mélancolies exemptes d’orage.

Aujourd’hui, à cinquante ans de distance de leur apparition, les œuvres de l’aimable poète, bien qu’elles se fassent lire encore avec intérêt et sympathie, n’attirent plus aussi vivement : çà et là le relief des images s’est à demi effacé, les teintes en ont pâli ; l’espèce de vernis poétique sous lequel se dissimulait la frugalité, parfois même l’indigence de l’expression, est tombé par endroits. Seules, quelques pièces n’ont rien souffert de l’action du temps et conservent tout le charme du premier jour. Celle du Dernier Jour de l’année, la perle du volume, reparait invariablement dans toutes nos

  1. Réminiscences, par J.-J. Coulmann, t. Ier, p. 113.
  2. « On a remarqué, disait le journal le Drapeau blanc du 31 mai 1825, dans son compte rendu de la cérémonie, que la plupart des oiseaux mis en liberté sont tenus se brûler à la flamme des lustres et des candélabres. »