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anthologies. Par son éducation d’esprit et sa manière, Mme Tastu se rattachait à cette famille de poètes élégante et sage, mais de médiocre élan, de goût sobre, circonspect, un peu timide, qui, sous la Restauration, ne prenait part que discrètement aux tentatives fécondes de la nouvelle école, et dont le plus glorieux représentant fut l’auteur des Messéniennes. Un second recueil de vers, qu’elle publia en 1835, confirma sa réputation sans y ajouter. Ce l’ut son adieu à la poésie.

La crise commerciale qui suivit la révolution de Juillet avait at teint, en pleine prospérité, l’industrie de M. Tastu, au point de l’obliger à y renoncer : il ne retrouva qu’assez tard une situation dans un poste de conservateur à la bibliothèque Sainte-Geneviève. En femme de devoir et de sacrifice, en mère de famille dévouée, sa compagne se consacra dès lors tout entière à de modestes tâches, où elle porta, il est vrai, quoiqu’en pleine prose, de précieuses qualités de talent comme d’expérience (ouvrages d’éducation, cours d’histoire à l’usage de la jeunesse, traductions de l’anglais, etc.). En 1839, l’éloge de Mme de Sévigné ayant été mis au concours par l’Académie française, attirée par ce gracieux sujet, elle se risqua dans la lice, et, pour la seconde fois, le prix d’éloquence fut remporté par une femme. Il l’avait été, pour la première fois, en 1671, par Mlle de Scudéry[1].

En appréciant ce discours, le secrétaire perpétuel de l’Académie (c’était alors M. Villemain), dans son rapport sur les lauréats de l’année, n’en a pas trop complaisamment relevé les mérites. « En décernant le prix qu’elle avait proposé pour un sujet tout français, l’éloge de Mme de Sévigné, l’Académie se félicite que ce nom ait appelé un talent digne de le célébrer. La femme, qui fut un grand écrivain sans écrire autre chose que des lettres à sa fille, méritait d’être louée de nos jours par une autre femme, par celle qui, dans des poésies célèbres, échappées de sa pure et modeste retraite, a donné tant de charmes à l’expression des sentiments de famille, et n’a jamais séparé l’imagination et la vertu… La cour de Louis XIV et la terre des Rochers, la vie de Mme de Sévigné, son esprit éblouissant, sa conversation, ses lectures, sa tendresse, son génie qui

  1. V. plus haut, p. 103, n. 1.