Page:Jal - Glossaire nautique, 1848.djvu/10

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même concision, le même éclat. Partout elle est vive, alerte, colorée; partout elle est bien faite, exacte, en même temps que brillante et poétique. L'habitude de braver les mêmes hasards, d'assister au spectacle imposant des mêmes scènes, de prêter le mouvement et la vie à des machines analogues, a donné aux marins de tous les pays l'idée des mêmes tropes. On trouve chez les Malais des locutions que l'on croirait traduites du grec ancien. Cela peut sembler incroyable; cela est pourtant, et nous ajouterons que cela est naturel: la poésie est une, et son expression ne peut guère varier.

Les mots de la langue d'un peuple maritime sont des mots de la langue vulgaire de ce peuple, ou de la langue vulgaire d'une des nations naviguantes avec lesquelles il est entré en relation.

Ces mots se sont altérés, corrompus, défigurés, en passant d'un pays dans un autre, en passant par la bouche des matelots, qui, comme tous les hommes illettrés, comptent pour peu de chose la pureté du langage.

Sous les formes étranges que ces mots ont revêtues, il est si difficile parfois de les reconnaître, que les marins instruits, et les savants qui ont cherché par curiosité le sens de quelques-uns de ces vocables si singuliers au premier aspect, ne les ont pas reconnus; et de là est né cet étrange préjugé : que les dialectes nautiques soient des patois informes, composés de termes capricieusement faits, et sans autre valeur qu'une valeur de convention [6].

Un travail analytique sur chacun des mots qui nous ont occupé, nous a montré l'absurdité d'une telle opinion. Si nous n'avons pu assigner à tous leur étymologie, nous l'avons fait pour le plus grand nombre.

Il en est quelques-uns dont nous n'avons pas su trouver l'origine, et qui restent, par conséquent, sans autre classement que celui de la langue du peuple auquel ils sont spéciaux.

Il nous a été possible, assez souvent, de faire l'histoire des mots : c'est lorsque les documents d'époques différentes que nous avons recueillis nous les ont présentés sous leurs formes diverses. Nous avons pu quelquefois fixer ainsi le moment où ces mots se sont introduits dans tel ou le!idiome marin, et déterminer par là le premier usage des objets nommés par eux.

La langue des marins français est la plus riche des langues maritimes de l'Europe; le Nord et le Midi lui ont apporté de larges tributs, si bien que notre vocabulaire groupe, autour de locutions dès longtemps françaises, plusieurs familles de mots où se reconnaissent l'irlandais et l'anglo-saxon, et des termes qui gardent, sous leurs figures provençales et languedociennes, un peu de leur air latin ou grec.