voir entre leurs ais écartés la profondeur du jardin d’octobre.
Isaure servit le thé. Elle promena entre les groupes une théière massive, toute brodée de roseaux et de scènes japonaises, sculptés dans le métal mat. Jeanne Ardilouze la suivait avec les assiettes de biscuits. Mme Laxague et sa fille ne se privaient point d’en reprendre. On leur attribuait ce propos : « Le thé de cinq heures, c’est notre meilleur repas. » Mme Malval prétendait qu’elles ne déjeunaient point, le jour où elles venaient la voir.
Elles se ressemblaient toutes deux, comme une caricature ressemble à un portrait. Avec sa figure osseuse, amaigrie, rude, tirée, aux yeux cernés et bistrés, Mme Laxague parodiait le fin visage de sa fille, gracieux, blond et rose. Toutes deux d’ailleurs se maquillaient, mais ce qui n’était chez Claire qu’un délicat pastel devenait chez la vieille dame un empâtement très visible d’émail sur une peau creusée, labourée, rugueuse, dont elle ne réussissait pas à masquer la déchéance. L’une et l’autre cherchaient un mari et ne se privaient pas de le dire. Les prétentions matrimoniales de Mme Laxague, veuve déjà depuis dix ans, constituaient une des joies de la société Malval.
On sait que dans toute coterie qui se respecte, une des plus grandes sources de plaisir provient de la surveillance malveillante, hargneuse et ironique que, chacun exerce sur autrui et des commentaires qui lui succèdent. En général, deux ou trois personnes assument le soin particulier de paraître plus ridicules et plus cocasses que les autres. Chez les Malval, Mme Laxague partageait ce rôle avec