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L’ÉCOLE DES MARIAGES

lui Edmée pensive et qui regardait par la portière fuir de fins paysages nuancés…

Dans la rue de l’Arsenal, froide, large et triste, bordée de belles maisons solennelles, des laquais, en grand tablier blanc, causaient au seuil des vastes portes. Deux chevaux piaffaient devant une écurie. Un lambeau d’affiche, emporté par le vent, dansait tout seul au milieu de la chaussée et semblait inviter chacun à venir tourner avec lui.

Chez M. Diamanty, on l’introduisit dans un salon fort sombre où il ne distingua d’abord rien. Il n’osa s’asseoir de crainte de manquer un siège. Quelqu’un lui demanda son nom. Il le déclara, avec une modestie feinte et le sentiment de son importance, — l’importance qu’il y a à entrer en inconnu dans une maison où l’on sait devoir revenir comme gendre. Il souriait encore d’aise, en songeant à cette idée, quand une porte s’ouvrit.

— Bonjour, monsieur, fit une voix sèche, que précéda un toussottement.

René, effaré, marmotta quelques paroles, qui pouvaient certainement prétendre à être un salut. L’obscurité le gênait beaucoup et il se sentait repris de toute sa timidité, en face de cette ombre mouvante, qui s’avançait vers lui et dont son sort dépendait. L’ombre toussa et buta contre un coussin.

Elle grommela quelque chose. Une sonnette électrique sembla prise d’un accès de delirium tremens, tant elle s’agita.

— Allumez donc la lampe, Jacques, on n’y voit rien, dit la voix irritée.

René aperçut alors devant lui un petit monsieur vieilli et voûté et dont toute l’attitude était hautaine