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Page:Jaloux - L'école des mariages, 1906.djvu/26

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EDMOND JALOUX

Il se leva avec nonchalance et tendit à son maître une enveloppe. René la considéra d’un œil indifférent : l’écriture lui en était inconnue. Il passa dans sa chambre, et sans se presser, après avoir endossé une veste de maison, déchira la bande de papier gommé. Son regard alla machinalement à la signature, il tressaillit en y découvrant le nom de M. Diamanty, tracé d’une main nerveuse et souligné d’un paraphe pointu comme une épée. Le billet était bref : M. Diamanty y priait, dans un style concis, M. Delville de venir le trouver pour causer avec lui d’une affaire urgente.

Delville, hésitant, se jeta dans un fauteuil. Que faire ? Il atermoya une demi-heure, avec un mélange de curiosité, d’impatience et d’angoisse. Qu’annonçait-elle, cette feuille de papier, qui se promenait maintenant sur le tapis, conduite ici et là, par la brise que laissait passer la croisée ouverte ? René se décida tout à coup à le savoir. Mais quand il fut dehors, il faillit revenir sur ses pas.

De la rue Sylvabelle à la rue de l’Arsenal, il n’y a pas dix minutes de marche. René eut pourtant le loisir de se représenter de cinq façons différentes l’accueil de M. Diamanty. Et si son imagination le poussa d’abord à la crainte, elle le rassura presque aussitôt. Delville se berçait facilement de mensonges et de contes. Il entrevit son attitude devant M. Diamanty. Comment ne se serait-il pas attribué un rôle admirable ? Il lui demanderait la main d’Edmée, M. Diamanty la lui accorderait, et voilà tout… Et René faisait déjà son voyage de noces, quand un ouvrier le bouscula. La trogne avinée de l’homme éloigna la vision du wagon clos où il voyait devant