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EDMOND JALOUX

Ce fut une catastrophe dans la moisson d’espoirs de René. Toute la belle récolte fut à terre, tranchée, foulée, déjà presque flétrie. Au milieu de sa surprise, Delville sentait une souffrance aiguë tordre son cœur comme avec des tenailles.

M. Diamanty respirait plus librement, comme un chirurgien à la fin d’une opération dangereuse et dont il redoutait l’issue. Il était allégé d’un grand poids, mais ce poids, maintenant, écrasait Delville, qui balbutia enfin, avec effort :

— Je suis désolé, monsieur, de ce que vous me dites là… Je m’attendais si peu à un coup pareil ! Mais il est impossible que cela soit définitif… Vous ne me connaissez pas, monsieur… Quelle raison avez-vous pour me refuser ainsi ? D’ailleurs, elle m’aime et… On a dû vous dire du mal de moi. Mais vous ne me condamnerez pas sans m’entendre… Je voudrais vous convaincre…

Il s’arrêta brusquement. Ce souhait exprimé, il voyait l’énormité de l’effort à tenter pour cela. Il en demeurait anéanti, comme un excursionniste en face d’une muraille de roches lisses qu’il ne pourra jamais gravir.

M. Diamanty regardait maintenant avec pitié la figure bouleversée du jeune homme. Un peu de cette douleur venait jusqu’à lui, à travers les paroles entrecoupées et tremblantes de René. Sa voix se fit moins sèche pour répondre :

— Je n’ai pas de raison pour vous refuser ma fille.

— Eh bien ! alors ? s’écria Delville, dans les yeux de qui s’alluma une lueur d’espoir.

— Mais j’ai des raisons pour ne pas marier Edmée, — du moins si jeune…