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EDMOND JALOUX

fin. Elle semblait ahurie de tout ce qu’elle voyait, et même de vivre, de ne plus être une petite fille en jupe courte, d’avoir un mari, bien à elle, deux enfants, dont l’aînée, âgée de quatre ans, jouait sur la terrasse, et d’en élaborer un troisième, dont elle portait visiblement la lourde promesse.

— Comment ? Mais c’est vrai alors ce qu’on m’a raconté ?

— Quoi ? Que t’a-t-on raconté, ange pur ? demanda son frère, qui se moquait volontiers de sa naïveté.

— Eh bien, que René Delville est amoureux d’Edmée Diamanty, qu’ils s’écrivent, qu’ils se donnent des rendez-vous chez leurs amis… Je n’aurais jamais cru cela d’Edmée !

Elle ne s’expliqua pas davantage, mais, ayant épousé M. Armand Féline sans l’avoir rencontré, avant le jour où il lui fut présenté dans la boutique d’un confiseur comme son prochain mari, elle montrait toujours de la stupeur à savoir que tout le monde n’agissait pas de cette façon. Certains êtres croient facilement que leur conduite est la seule que l’on puisse suivre. Ils s’imagineraient pour un peu qu’ils servent d’exemple à l’humanité.

— On apprend tous les jours de drôles de choses ! Quelle folle tout de même que cette Edmée ! Et quand épousera-t-elle M. Delville ?

Isaure, à quatre pattes sur le sol, les reins creusés, le buste souple, ramassait avec méthode les pages égarées. L’échancrure de son corsage bleu révélait une nuque d’une blancheur étincelante, qui s’enfonçait sous un flot de cheveux cuivrés, dont les fils de métal sombre tramaient un chignon bas.