Aller au contenu

Page:Jaloux - Le reste est silence, 1910.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
97
LE RESTE EST SILENCE…

doute même, pensa-t-elle qu’un petit monsieur de mon espèce n’était pas gaillard à se nourrir exclusivement de pain sec ; car elle ajouta aussitôt après :

— Et avec cela, mon ami ? Vous prendrez bien du chocolat. Nous avons justement des bâtons à la crème, qui sont succulents.

Je ne pouvais décemment avouer que toute ma fortune se montait à dix centimes, et je déclarai avec candeur :

— Oh ! ce n’est pas la peine. C’est pour les cygnes…

On me tendit un énorme morceau de pain, jamais mes mains n’en avaient tenu de pareil ! Je me rendis tristement au bord de l’eau, qui était d’une couleur verte, trouble et comme épaisse. Des canards jouaient à sa surface. Ils plongeaient tout-à-coup et ressortaient, plus loin en s’ébrouant. Parfois, ils se renversaient, la queue en l’air, et on les voyait gigoter drôlement, remuant leur derrière et tricotant des pattes. Les cygnes, méprisants, s’approchaient et allongeaient leurs cous en forme de serpents, puis d’un brusque mou-