Page:Jaloux - Le reste est silence, 1910.djvu/212

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s’approchait d’une fenêtre, on voyait le dallage de la cour d’honneur ou les parterres réguliers et les boulingrins du jardin à la française… Cela ressemblait à un conte de Schéhérazade, c’était une demeure de fée, coquette, charmante, fantastique, lugubre, excentrique.

Pendant qu’il se promenait ainsi à travers son château, lord Herbert Cornwallis revoyait-il les êtres qu’il avait connus ? Se souvenait-il des femmes qui avaient oublié pour lui les lois du monde et les prescriptions de la morale et qu’il avait contemplées d’un œil si glacial que l’une, dit-on, en était morte de chagrin ; ressassait-il son désespoir ou sa misanthropie ? Regrettait-il ? Espérait-il ? Se nourrissait-il de la haine de ces êtres vulgaires et bas qu’il avait coudoyés un moment et dont la souillure s’était communiquée à lui, ou bien rêvait-il, dans une paix infinie, d’un refuge, d’une contrée idéale où rien ne rappellerait cette réalité tenace et brutale dans laquelle il était entré, avec un tel élan de folie qu’il n’avait pu y demeurer ?