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Page:Jaloux - Le reste est silence, 1910.djvu/226

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un orgueil ! Comme un sauvage embrouille sa piste pour dérouter ceux qui le poursuivent, j’ai embrouillé ma vie et j’ai tissé autour d’elle un inextricable filet. J’y ai mêlé la cruauté et la folie, l’insanité et l’incohérence. J’ai choisi les actes qui m’étaient le plus étrangers, et je les ai commis, comme on se déguise. Je revois les coqs taillés pour le combat, les poings défonçant un nez ou faisant sauter une dent, les baraques de saltimbanques, de monstres ou de bêtes fauves, où l’on m’accueillait en ami. Ne m’a-t-on pas vu, certain jour, moi, Herbert Cornwallis, en train de faire un boniment au seuil d’un tréteau derrière lequel on montrait un veau à trois têtes ? D’ailleurs, peut-être les aimais-je, ces humbles baladins. Ils jouaient comme moi leur vie, car la mienne n’était qu’un jeu magnifique. Eux le faisaient pour de l’argent, moi, pour de l’incompréhension, ce qui est de l’or pour certaines natures, et mieux que de l’or. Je suis entré, une nuit, au bal masqué, déguisé en mort, étendu dans un linceul, au fond d’un cercueil ouvert que